Pis, c’est comment travailler en environnement?

27 janvier 2022

Dans le cadre de son 40e anniversaire, Nature Québec a invité plusieurs anciens collaborateurs-trices et militant-e-s à s’exprimer sur les luttes environnementales qui les ont marqué-e-s et leur perception du rôle de l’organisme dans les batailles passées, mais également les défis futurs .

La parole à SOPHIE GALLAIS ET AMÉLIE ST-LAURENT SAMUEL.

– chargées de projet chez Nature Québec pendant près de 10 ans et respectivement coordonnatrice de projet à Sentinelle Nord et directrice générale adjointe au FAQDD

Travailler en environnement, ça peut être intense! Les campagnes sont souvent menées dans l’urgence et les projets, livrés avec une qualité exceptionnelle, nourrissent des espoirs de changement qui ne sont pas toujours rencontrés. Tout ça, vous vous en douterez, avec des budgets frugaux (parfois, inexistants) et un lourd tribut pour le moral. Appelons ça l’appel du devoir (ou la folie, c’est selon). Toujours est-il que ce travail intense peut aussi être infiniment porteur sur le plan humain et le point de départ de solides amitiés.

Dans le cadre de notre série d’articles sur les 40 ans de Nature Québec, nous parlons aujourd’hui à Sophie Gallais et Amélie St-Laurent Samuel, chargées de projet chez Nature Québec pendant près de 10 ans et meilleures amies depuis.

L’équipe de Nature Québec en 2012
L’équipe de Nature Québec en 2012

Lutte contre Énergie Est, pétrole à Anticosti, lancement de projets plus qu’incertains (parlez de biomasse forestière résiduelle autour de vous pour voir), Sophie et Amélie ont vécu des années particulièrement fastes – et parfois, tumultueuses – chez Nature Québec.

Petit retour en Q & R sur la plus « plus belle job au monde  » avec celles qu’on surnomma affectueusement les « Javotte et Anastasie » de Nature Québec.

1) Comment avez-vous abouti à Nature Québec, d’où arriviez-vous ?

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Sophie Gallais : Je travaillais dans un organisme de bassin versant dans les Laurentides depuis quelques années et je cherchais un emploi à Québec. J’ai vu l’offre d’emploi  « Chargée de projets Aires protégées ». J’ai lu la description et je me suis dit : « Wow, quelle job de rêve ! » J’ai déposé ma candidature en me disant « qui ne tente rien n’a rien »… Je passe l’entrevue, je rentre chez moi et le doute s’installe sur la route :  « je n’aurais pas dû dire ça, j’ai mal répondu ». J’arrive à la maison et j’ai déjà un message sur mon répondeur : j’ai le poste!!!

Amélie St-Laurent Samuel : J’arrivais du Service canadien des forêts et du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Dans les deux cas, j’étais impliquée dans des dossiers d’utilisation de la biomasse forestière pour la lutte contre les changements climatiques. Je pense qu’à l’époque, Christian (Simard, N.D.L.R.) et Christine ont été pas mal surpris de tomber sur mon cas : « une fonctionnaire qui souhaite travailler avec nous et qui a de l’expérience en biomasse? C’est presque louche! » Comme Sophie, j’ai reçu un appel dès mon retour de l’entrevue (j’habitais à 3 minutes des bureaux, sur la rue Lockwell). C’était le début d’une belle histoire d’amour avec Nature Québec!

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2) Pourquoi Nature Québec ?

SG : Clairement, c’est le côté Mini-Wheat de Nature Québec qui me plaisait (dédicace à notre cher Christian Simard !). Plus sérieusement, les valeurs de l’organisation,  l’intégrité et l’engagement de l’équipe, la défense des causes environnementales (qu’on ait le budget ou non), mais aussi la recherche de solutions durables et la proposition de nouvelles approches. Bref, une organisation porteuse de changements !

AStS : J’ai décidé de déposer ma candidature à Nature Québec parce que son statut d’OBNL m’interpelait. J’ai toujours été un peu « funky » et je cherchais une organisation crédible, mais qui pourrait aussi m’offrir une certaine liberté. Il faut dire que Nature Québec est un formidable terrain de jeu pour quelqu’un qui a de l’énergie à revendre, qui souhaite s’engager à fond dans ses dossiers et qui veut « sortir des sentiers battus ». En même temps, un grand soutien est toujours offert, autant par les membres de l’équipe que par ceux des commissions, qui partagent leur expérience avec générosité et bienveillance. C’est donc ce doux mélange qui m’a interpelée au départ, et qui m’a donné envie d’œuvrer aussi longtemps à Nature Québec.

Grande traversée d'Anticosti pour mettre fin aux forages, 2016
Grande traversée d'Anticosti pour mettre fin aux forages, 2016

3) Quelle campagne ou quel projet vous a particulièrement marquées durant votre passage ?

SG : Hmmm… je dirais Anticosti! C’est un travail sur plusieurs années et qui est encore d’actualité avec l’équipe actuelle. Ce sont d’abord les membres de Nature Québec qui ont signifié leur volonté que l’organisation travaille sur ce dossier lors d’une assemblée générale annuelle.

Sophie lors de la Grande Traversée d’Anticosti, 2017, crédit Benoît Desjardins
Sophie lors de la Grande Traversée d’Anticosti, 2017, crédit Benoît Desjardins

Nous n’avions pas d’argent pour le faire, mais peu importe, nous ne pouvions pas rester passifs (devant les projets d’hydrocarbures – N.D.L.R.). Petit à petit, nous avons développé des liens et proposé une vision claire : Il faut abandonner le pétrole, mais pas les Anticostiens! Pour incarner cette vision, quoi de mieux qu’organiser une traversée d’Anticosti de 130 km à pied, que de rencontrer les personnes qui y vivent, d’être à l’écoute… Ce souhait d’un avenir durable pour Anticosti s’est naturellement poursuivi en appuyant la municipalité dans le dépôt de la candidature de l’Île pour intégrer la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’histoire se poursuit encore aujourd’hui et je suis très heureuse d’avoir participé, à ma petite échelle, à cette belle aventure!

AStS : Vous ne serez pas étonné-e-s, mais je vais parler de BIOMASSE! Évidemment, de mon côté, je pense à la création de Vision Biomasse Québec, qui a été la concrétisation d’un important travail de collaboration avec des acteurs de tous les horizons (Fédération québécoise des coopératives forestières, QWEB, Fondaction, UMQ, manufacturiers, organismes de recherche, etc.). C’est une chance d’avoir réussi à créer, au fil des échanges sur la durabilité d’une filière, un regroupement sur des bases communes : stimuler le développement économique régional, s’assurer d’une utilisation respectant les seuils écologiques et les réalités des communautés, favoriser les circuits courts, etc.! C’était un gros défi que nous avons réussi à relever, je crois!

4) Quel est le plus beau côté de travailler en environnement?

SG : Se lever le matin et se dire que notre travail est utile, qu’on essaie de faire une différence. C’est aussi se lever le matin et se dire : «  je vais rejoindre ma meilleure amie pour changer le monde! »  C’est quand même le fun!

AStS : Comme Sophie, je dirais : avoir de l’impact! Il y a tant à faire et chaque projet contribue à avancer dans la bonne direction. Je crois aussi qu’on peut dire que ça signifie travailler avec des collègues qui se démarquent par leur ouverture et qui partagent nos valeurs. Plusieurs d’entre eux sont devenus des amis précieux avec le temps!

Amélie au 3e Forum franco-québécois Bois & Forêt à Paris, évènement inscrit dans le cadre de la conférence Paris-Climat - COP 21, 2015
Amélie au 3e Forum franco-québécois Bois & Forêt à Paris, évènement inscrit dans le cadre de la conférence Paris-Climat - COP 21, 2015

5) Qu’est-ce qui est le plus difficile?

AStS et SG ( à l’unisson) : LA PRÉCARITÉ (rires)!

AStS : Sans blague, je pense qu’il y a des périodes beaucoup plus stables que d’autres. Je l’ai relativement bien vécue (la précarité). Cette période m’a appris à ne pas avoir peur du lendemain. Elle m’a donné l’assurance qu’avec de l’engagement et un peu d’huile de coude ( un bon réseau aussi et une organisation qui bénéficie d’une très bonne crédibilité), les opportunités reviennent. Mon autre apprentissage a été de COMMENCER (c’est toujours en cours) à mieux gérer mon énergie, mon implication. Les projets nous tiennent tellement à coeur qu’il est parfois difficile de se dire : « C’est okay pour aujourd’hui, va jouer dehors! ». Travailler en environnement, c’est un marathon (qui ressemble étrangement à un très long sprint). Il faut savoir s’arrêter, recharger ses batteries et prendre du recul. Finalement, comme nous en discutions, Sophie et moi, récemment lors d’une marche, notre passage à Nature Québec nous a appris à avoir le courage de nos opinions, à oser prendre la parole quand ça compte vraiment.

Amélie à Whapmagoostui (Nord-du-Québec), dans le cadre d'un mandat de formation sur le chauffage à la biomasse forestière, 2018
Amélie à Whapmagoostui (Nord-du-Québec), dans le cadre d'un mandat de formation sur le chauffage à la biomasse forestière, 2018

SG : Si tu rêves d’une permanence, ce n’est pas peut-être pas la voie à emprunter! Mais très honnêtement, ça n’a pas été très difficile pour moi. Comme le dit Amélie, on apprend à ne pas avoir peur du lendemain. On s’investit tous les jours pour construire notre futur, le prochain projet, la prochaine campagne et généralement, ça fonctionne!

6) Votre meilleur moment à Nature Québec ?

AStS et SG : Difficile de choisir un moment en particulier, mais le développement d’une belle amitié, ce n’est pas facile à battre. Malgré un départ chaotique (oui, Sophie n’aimait pas Amélie), un bureau à 1 mètre de distance, ça fait des miracles! Notre pause café quotidienne nous manque encore.

AStS : En plus du délicieux quotidien (… des délires à la machine à café avec Gabriel, Cyril et Anne-Céline notamment), il y a certains moments indéniablement marquants, comme les appels à 7 h du matin avec Louis Bélanger pour discuter des orientations pour les dossiers Forêt (la charmante voix de Louis de bon matin…), la participation comme conférencière au colloque franco-québécois Bois & Forêt à Paris, la fameuse tournée aux États-Unis avec l’International Leadership Visitor Program … ou la rencontre de mon amoureux (accessoirement!).

SG : Au-delà de ces moments partagés au quotidien, Nature Québec m’a permis de vivre de superbes expériences : participer à des congrès internationaux, parcourir le Québec pour rencontrer des personnes  inspirantes, etc. Merci !!!

7) Un conseil pour une nouvelle recrue qui aimerait s’impliquer dans un organisme environnemental ?

AStS : J’en ai parlé plus tôt : gérer son énergie! Sinon, ne pas avoir peur de demander de l’aide, de solliciter les collègues ou les grands sages impliqués dans l’organisation. Ils connaissent l’historique, les contextes, ils ont des contacts précieux et sont de bons conseillers! Finalement, je dirais de ne jamais oublier à qui on parle. Il faut savoir adapter son message afin qu’il soit entendu et qu’il rayonne au maximum. Nos mots ne sont parfois pas ceux des autres et il faut garder cette réalité en tête, sans toutefois modifier les idées ou l’objectif. 

SG : Il y en a plusieurs… Je dirais d’abord : Ne laisse pas passer cette occasion! J’ai tellement appris en siégeant sur divers comités, en organisant des campagnes, en rédigeant des dizaines de demandes de subventions, etc. Je dirais ensuite : Profite de cette chance pour améliorer tes connaissances, bénéficier du superbe réseau de collaborateurs de Nature Québec, des experts impliqués qui m’ont tant apporté! J’ajouterais : Laisse-toi aller, sois créatif, propose tes idées. Elles peuvent te mener loin. Dernier petit conseil (je rejoins Amélie) : Fais attention à ton équilibre! C’est un métier de cœur, mais il faut aussi prendre soin de soi et doser son énergie.

AStS et SG : « Quoi, c’est déjà fini? ». Javotte et Anastasie remercient l’équipe de les avoir invitées à participer à ce blogue … et longue vie à Nature Québec!!!

Continuons 40 ans ensemble!

Faites partie de l’histoire et supportez les multiples campagnes de Nature Québec maintenant!

Crédits

Révision :  Sarah Provencher

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