40 ans de Nature Québec : gros plan sur les années 1990!

13 janvier 2022

Dans le cadre de son 40e anniversaire, Nature Québec a invité plusieurs anciens collaborateurs-trices et militant-e-s à s’exprimer sur les luttes environnementales qui les ont marqué-e-s et leur perception du rôle de l’organisme dans les batailles passées, mais également les défis futurs .

La parole au Dr Pierre Gosselin.

Médecin en santé publique, expert-conseil à l’INSPQ, coordonnateur du programme de recherche conjoint Ouranos-INSPQ en santé et climat de 2004 à 2019 et président de l’UQCN (Nature Québec) de 1990 à 1993.

Quand je commence à participer aux travaux de l’Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN)- maintenant Nature Québec-, l’organisme va fêter ses 10 ans.  À l’époque, je sollicite la participation d’expert-e-s et membres de l’UQCN au petit livre de vulgarisation Mieux vivre avec son environnement qui sera publié à 100 000  exemplaires par le réseau de santé publique, fin 1990  (pas d’internet à l’époque!). Cette implication à travers le conseil d’administration l’organisme va marquer en quelque sorte l’arrivée de la variable « santé humaine » dans ses actions pour l’environnement.

Petite parenthèse

Cette période est aussi celle d’une profonde récession au Canada, avec un taux de chômage touchant des pointes à 14 %, taux d’intérêt à 10%, avec une correction du marché immobilier et une crise bancaire aux États-Unis. Le gouvernement du Québec creuse son déficit et tous les gouvernements se mettent à couper. Notamment en environnement.

Inauguration de bureaux de l’UQCN dans les années 1990
Inauguration de bureaux de l’UQCN dans les années 1990

Tout ça pour dire que, quand je deviens président de l’UQCN (1991-1993) suite au départ de Harvey Mead, l’argent est rare.

Il n’y a aucun programme statutaire pour les OSBL et il faut être imaginatif. Le programme Stratégies Saint-Laurent, initié avec la Fondation McConnell, doit alors sa survie à une entente réalisée dans le cadre du Plan vert du gouvernement fédéral avec le ministre de l’Environnement de l’époque, un certain Jean Charest. Le Plan Saint-Laurent ajoute un financement statutaire pour les ZIP, qui perdure à ce jour. Nous développons aussi le projet BRISE (appuyé par Fondation McConnell et Santé Canada) pour aider les individus et groupes à défendre leurs droits environnementaux.

Bref, le vaste mandat que s’est donné l’UQCN est dans les faits attaché à une fragile poignée de financements dont nous devons tirer le maximum. Il reste beaucoup à faire pour convaincre les gouvernements de financer la protection des écosystèmes et par ricochet, les bienfaits qu’ils génèrent pour  la santé des populations. Les années qui suivent vont modestement changer la donne.

Enjeux planétaires

Parmi les accomplissements de l’UQCN lors des années 1990, on ne saurait passer sous silence une implication dans des dossiers internationaux de l’heure. Ainsi, nous obtenons l’accréditation de l’UQCN et sa participation à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement – connue sous le nom de Sommet de la Terre – en juin 1992, à Rio de Janeiro (Brésil). C’est notamment de cette conférence que naît la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui sert de bases au Protocole de Kyoto et à l’Accord de Paris.

Dans les mêmes années, lUQCN participe aussi à la négociation de l’accord parallèle en environnement de l’ALENA, une première mondiale, avec signature officielle à Washington et création de la Commission de coopération environnementale, établie à Montréal depuis 1994.  

Ces « grandes messes » internationales percolent sur la société civile et dynamisent le mouvement environnemental au Québec comme ailleurs.

Du travail à la « maison » aussi

Les années 1990 sont donc témoins d’importants enjeux environnementaux au Québec également. Pour l’UQCN, cette période marque entre autres un travail important de lutte contre les excès de pollution de la filière porcine, la lutte contre le complexe hydro-électrique de Grande-Baleine, la participation à la Table environnement-économie du gouvernement du Québec  et à la consultation sur le plan stratégique d’Hydro-Québec (avec inclusion des éoliennes et de l’efficacité énergétique dans la planification qui en découlera).

Logo de l’UQCN

Plusieurs projets menés par des membres individuels obtiennent aussi notre appui, notamment la protection du Mont Pinacle de Frelighsburg, chère au cœur du diplomate retraité Guy Côté qui était sur le CA. 

Malgré l’ampleur de la tâche, soulignons au passage la franche camaraderie et l’aspect convivial qui règne au CA. Les enjeux et les prises de position sont souvent discutés au restaurant en dînant, question de ne pas tout faire le soir ou la fin de semaine.

Il y a aussi des moments sympathiques comme le lancement du premier film de Robert Redford à titre de réalisateur (La Rivière du sixième jour, 1992) au Grand Théâtre de Québec, au profit de notre organisme. C’est probablement la première (et dernière fois) qu’un groupe environnemental faisait autant parler de lui dans toute la presse, dont Écho Vedettes et autres magazines similaires… Le journal Le Soleil parlait même de cet évènement comme d’une comète dans le ciel de Québec dans son bilan de fin d’année.

Développement durable, Internet…et santé!

La sortie Rapport Brundtland et le Sommet de Rio marquent au Québec, comme ailleurs sur la planète, une volonté d’opérationnalisation du concept de « développement durable ».  

C’est dans ce contexte que je lance en 1993 l’idée d’un ÉcoSommet dont l’objectif est justement d’amorcer une réflexion proprement québécoise sur le concept. Je présiderai cette initiative de concertation sans but lucratif de 1994 à 1996, tout en restant membre du CA de l’UQCN, avec le concours de plusieurs autres groupes environnementaux et partenaires. Nous mènerons une vaste consultation des régions sur les priorités et projets à réaliser en développement durable (5000 participants), des tables thématiques d’expert-e-s au niveau central (250 organismes représentés), une conférence majeure (750 participants à Montréal du 6 au 9 mai 1996) ainsi qu’une exposition (55 exposants).  Les partenaires d’ÉcoSommet incluaient une cinquantaine d’organismes (OSBL environnement/faune, industries privées, ministères, OSBL sociaux, associations professionnelles).

La démocratisation d’internet à la fin des années 1990 voit par ailleurs l’arrivée du premier site web « écolo » du Québec en la forme de l’Écoroute de l’information. Celui-ci rend accessibles 400 réussites environnementales de l’époque,  500 projets en développement durable découlant de l’ÉcoSommet, ainsi qu’un profil environnemental du Québec et des orientations futures. 

À noter que plusieurs des projets et des recommandations portées par l’Écosommet (et l’Écoroute) ont vu le jour depuis, notamment et non la moindre :  le financement statutaire des groupes environnementaux.  

En somme, les années 1990 furent marquées d’avancées, malgré les embûches (surtout qu’avec le temps, on oublie ce qui nous irritait pour ne garder que les aspects plus positifs).  Les bénévoles, l’équipe et les stagiaires, alors dirigés par Christian Simard, demeurent les grands artisans de ces succès importants pour l’organisation et pour le Québec.

À travers les participations internationales et des « succès maison », rappelons en outre cette idée qui a continué de faire son chemin : protéger l’environnement, c’est protéger la santé humaine. Ce thème désormais cher à Nature Québec continue de faire l’objet de collaborations multidisciplinaires entre le monde de l’environnement et de la santé.

C’est d’ailleurs le cas avec le programme Milieux de vie en santé, porté par Nature Québec financé par le MSSS et l’INSPQ depuis plusieurs années maintenant.

Continuons 40 ans ensemble!

Faites partie de l’histoire et supportez les multiples campagnes de Nature Québec maintenant!

Crédits

Rédaction : Dr Pierre Gosselin, Médecin en santé publique, expert-conseil à l’INSPQ, coordonnateur du programme de recherche conjoint Ouranos-INSPQ en santé et climat de 2004 à 2019 et président de l’UQCN (Nature Québec) de 1990 à 1993.

Révision :  Gabriel Marquis

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