10 victoires pour l’environnement au Québec
10 décembre 2021Cet automne, Nature Québec a soufflé ses 40 bougies! Depuis sa fondation en 1981, l’organisation a mené et participé à d’innombrables campagnes pour la protection de l’environnement au Québec.
Les victoires
Qu’il s’agisse d’énergie, de changements climatiques, de gestion des forêts, de la protection de l’eau ou d’espèces menacées, certaines batailles se sont soldées par des victoires décisives. Sans tout régler, celles-ci ont fait progresser les mentalités à un point de non-retour.
Voici donc 10 victoires pour l’environnement au Québec dans lesquelles Nature Québec est fière d’avoir été impliquée.
10. L’abandon de la privatisation des parcs nationaux
1990 à 1994
Dans les années 1990, Nature Québec s’unit à l’Association des biologistes du Québec (ABQ) et au World Wildlife Fund (WWF) afin d’empêcher la privatisation de la moitié des parcs nationaux du Québec. Après une campagne de 4 ans qui prône l’universalité du droit d’accès à la Nature, le gouvernement recule finalement.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Parce qu’elle jette les bases d’une mobilisation contre les tentatives de privatisation de l’accès à la nature qui reviendront périodiquement (voir la saga du mont Orford). À l’heure où la pollution et les changements climatiques exercent une énorme pression sur les populations urbaines, l’accès à la nature et à un environnement sain au Québec est plus que jamais vital.
Facteur décisif
L’amour des Québécois-es pour la nature et le plein air. En rétrospective, on ne penserait plus jamais aujourd’hui à privatiser les parcs nationaux du Québec, une richesse collective!
9. L’abandon du projet Northern Pass menaçant le mont Hereford
2017 à 2019
En 2017, Hydro-Québec veut vendre de l’énergie à son voisin américain. Pour y arriver, elle envisage une série d’interconnexions, dont Northern Pass, un projet de ligne à haute tension aérienne qui doit rejoindre le New Hampshire par le secteur du mont Hereford. Le hic ? Elle menace de défigurer de manière importante la forêt Hereford, une zone de conservation reconnue.
Heureusement, la pression exercée par Nature Québec, Corridor appalachien, le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie et le Réseau de milieux naturels protégés, doublé d’un appui du chanteur Richard Séguin, ont permis d’obtenir un scénario d’enfouissement des fils sous les chemins forestiers. Malgré un dénouement qui satisfaisait toutes les parties prenantes, le projet Northern Pass a finalement été abandonné en 2019, en raison de divers blocages aux États-Unis.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Elle a mis en relief un double standard qui existe chez Hydro-Québec, prompte à enfouir les fils chez le voisin américain, mais pas « à la maison ». S’il y a encore du chemin à faire, la société d’État semble tout de même plus encline à proposer des scénarios qui minimisent l’impact des tracés sur les milieux naturels.
Facteur décisif
L’amour des gens de l’Estrie pour les paysages et l’appui de Richard Séguin ont contribué à faire de cet enjeu régional, une campagne nationale.
8. Nos caribous, pas au zoo!
2017
En 2017, alors que la harde de caribous forestiers de Val-D’Or ne compte plus qu’une vingtaine d’individus, le ministre Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec a une idée afin d’empêcher les dangereux cervidés de menacer l’industrie forestière : les envoyer finir leurs jours au Zoo Sauvage de Saint-Félicien!
Devant l’absurdité de cette décision, Nature Québec, l’Action Boréale, Greenpeace et la SNAP Québec se sont mobilisés et ont lancé la campagne Nos caribous, pas au zoo! pour faire annuler ce transfert.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Le caribou forestier est menacé et en déclin dans toutes les régions du Québec, en particulier la harde de Val-d’Or. La campagne Nos caribous pas au Zoo! n’a bien sûr pas inversé la tendance. Par contre, elle a empêché de créer un grave précédent en matière de conservation et d’environnement au Québec.
Facteur décisif
Une rare unanimité dans l’opinion publique et la presse quant à l’absurdité de cette décision qui a forcé le gouvernement à rétropédaler rapidement.
7. La mise sur pied de la Commission Coulombe
1999 à 2003
En 1999, le documentaire l’Erreur boréale de Richard Desjardins dresse un portrait peu flatteur de la foresterie au Québec et suscite une véritable onde de choc. Dans la foulée du film, des pressions sont menées par des groupes écologistes dont Nature Québec – notamment via l’initiative Aux arbres citoyens! – afin que la lumière soit faite sur la gestion de la forêt au Québec.
Ces pressions mènent à la mise en place de la Commission Coulombe sur les forêts publiques. Celle-ci vient confirmer qu’il y a bel et bien surexploitation de la ressource forestière et recommande que l’exploitation des forêts dans son ensemble soit assujettie à la protection des écosystèmes. C’est majeur! La Commission a également donné lieu à la création du poste de Forestier en chef dont la mission est d’établir les possibilités forestières et d’informer le ministère, l’industrie et la population de l’état de la forêt québécoise.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Le Québec et le Canada sont encore loin d’être exemplaires en matière de foresterie et des ressources naturelles (parlez-en aux caribous!). Il n’empêche que le film l’Erreur boréale et la campagne Aux arbres citoyens! ont jeté un premier pavé dans la mare d’une industrie historiquement importante et estimée au Québec. Depuis, les forestières se sentent plus à découvert sur les enjeux touchant à l’environnement au Québec… et ce n’est pas une mauvaise chose!
Facteur décisif
Définitivement le film et l’implication de Richard Desjardins.
6. L’abandon de la centrale à gaz du Suroît
2000 à 2004
Au début des années 2000, Hydro-Québec caresse l’idée d’ouvrir une centrale thermique au gaz à Beauharnois afin d’augmenter sa production d’énergie. Le développement de ce projet de centrale dit “du Suroît” aurait augmenté de 3 % les émissions des GES du Québec, l’équivalent d’ajouter 600 000 voitures sur les routes! Heureusement, une coalition formée de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), de Nature Québec et du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ) obligera le gouvernement à faire marche arrière en 2004.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Quelques années après la signature du Protocole de Kyoto, la société québécoise met les dirigeants devant leurs responsabilités : la construction d’une centrale au gaz est contraire à leurs engagements climatiques. Pour une des premières fois, l’argument « Kyoto » est utilisé. Aujourd’hui, l’idée même qu’Hydro-Québec puisse développer autre chose que des énergies renouvelables susciterait une levée de boucliers immédiate.
Facteur décisif
L’éveil des Québécois-es aux enjeux des changements climatiques.
5. La fermeture de la centrale Gentilly-2
2010 à 2012
À l’instar de l’abandon du projet de centrale du Suroît, la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2 est venue cimenter le consensus sur la manière de produire de l’énergie au Québec. En service depuis les années 1980, la centrale Gentilly-2 à Bécancour était la seule centrale nucléaire exploitée commercialement au Québec. Dans les années 2000, une série d’incidents mettent en évidence son état de dégradation. Un projet de réfection permettant de prolonger sa durée de vie de 40 ans est annoncé par le gouvernement Charest.
Ce contexte fait naître une mobilisation des groupes environnementaux pour la fermeture précipitée et le déclassement de la centrale. Entre 2010 et 2012, Nature Québec et ses collaborateurs organisent plusieurs conférences de presse et des manifestations contre le projet de réfection. Celui-ci sera abandonné et la centrale fermée définitivement par le gouvernement Marois en 2012.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Elle cimente le consensus sur notre production d’énergie. Vous n’entendrez probablement plus jamais parler de nucléaire au Québec.
Facteur décisif
Probablement en raison de la domination de l’hydroélectricité dans notre mix énergétique, le nucléaire n’a jamais occupé le haut du palmarès des enjeux liés à l’environnement au Québec. Toutefois, il est possible que la catastrophe de Fukushima ait précipité la décision de fermer Gentilly-2.
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4. Le recours pour la protection de la rainette
2013 à 2016
En 2013, Nature Québec et le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) se lancent dans une bataille juridique contre le gouvernement du Canada. La raison ? Un promoteur immobilier à La Prairie menace un habitat de la rainette faux-grillon de l’Ouest, une espèce que le gouvernement fédéral a l’obligation de protéger en vertu de la Loi sur les espèces en Péril.
Or, la ministre de l’Environnement du Canada de l’époque refuse de le faire. En 2015, la Cour fédérale du Canada tranchera en faveur de Nature Québec et du CQDE : le gouvernement du Canada a l’obligation de protéger la rainette. Un décret d’urgence sera finalement adopté en 2016.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Cette bataille a fait de la rainette, le symbole de la lutte pour protéger les milieux humides, les cours d’eau et la biodiversité en région périurbaine. Depuis cette victoire juridique (et le changement de gouvernement), le fédéral est beaucoup plus prompt à prendre des décrets pour protéger les espèces en péril. Il vient d’ailleurs de le faire à nouveau pour la rainette à Longueuil.
Facteur décisif
La plus petite grenouille au Québec représente magnifiquement bien le combat de David contre le Goliath de l’étalement urbain.
3. Le rejet du projet Laurentia
2015 à 2021
En 2015, le Port de Québec sort de son chapeau le projet Beauport 2020, un prolongement de 610 mètres de sa ligne de quai à même le Saint-Laurent qui servira à la manutention de vrac solide et de produits pétroliers.
Alors que son projet menace l’eau et les milieux humides du fleuve, des espèces en voie de disparition comme le bar rayé et la seule plage urbaine de Québec, le Port tente de nous convaincre que son projet deviendra un épicentre du commerce maritime mondial.
La vérité est que le projet du Port est tellement mal ficelé qu’en pleine évaluation environnementale, il en changera le nom et la vocation pour un terminal de conteneurs appelé Laurentia. En fait, le Port cherche surtout à obtenir l’aval du fédéral pour le prolongement de sa ligne de quai par un remblayage du fleuve, une obsession qu’il cultive depuis les années 1970 (et qui a même mené à la création de Nature Québec).
Heureusement, Nature Québec, Équiterre, Accès Saint-Laurent Beauport, l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, le GIRAM et Eau Secours formeront la coalition SOS port de Québec. Pendant 5 ans, la coalition s’évertue à mettre à jour la stratégie du Port et démonter ses arguments fallacieux. Ce n’est qu’à l’été 2021 qu’on pourra enfin enterrer Laurentia à la suite à son rejet définitif par le gouvernement fédéral.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Lorsque Nature Québec a été créée en 1981, c’était notamment en réponse à un projet d’agrandissement du Port dans le même secteur. Mettre un terme à Laurentia 40 ans plus tard, c’est un peu comme boucler la boucle…même si nous savons que ce « projet zombie » pourrait revenir.
Facteur décisif
Lorsque le Port a annoncé au printemps 2021 que Laurentia serait « carboneutre », nous avons su que le projet battait de l’aile. « Ils » sortent toujours la carboneutralité du chapeau lorsque les carottes sont cuites.
2. La fin des forages à Anticosti
2012 à 2018
Au début des années 2010, une folie pétrolière et gazière s’empare de nos élu-e-s qui voient soudainement dans la filière des hydrocarbures, la solution à tous les problèmes du Québec.
Cette ruée vers l’or noir atteint son paroxysme avec la saga d’Anticosti : il y aurait des milliards de barils de pétrole et de gaz sur la plus grande île du Saint-Laurent. Bien évidemment, cette surenchère fait totalement abstraction de la capacité réelle à extraire les hydrocarbures et surtout, de la catastrophe écologique annoncée sur un écosystème unique au monde.
Alors que le gouvernement du Québec se lance les yeux fermés dans une entreprise d’exploration pétrolière et gazière, Nature Québec veut mettre un terme à cette farce qui menace sérieusement l’environnement au Québec.
En 2016, l’organisation lance la campagne #FuturAnticosti qui vise à montrer qu’il y a mieux à faire que le pétrole sur la magnifique île du Saint-Laurent. Deux traversées inédites de 130 km à pied sont organisées sur l’île afin d’attirer l’attention sur sa beauté, mais également ses enjeux socio-économiques. En filigrane, une idée : le patrimoine de l’île, plus particulièrement la présence de fossiles uniques, la qualifie pour une candidature à l’UNESCO qui pourrait être le fer de lance d’une industrie écotouristique.
En 2018, victoire : Le gouvernement du Québec met un terme à la saga gazière et pétrolière sur Anticosti et accepte, tout comme son homologue fédéral, de donner son aval au projet de candidature de l’île au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette candidature suit actuellement son cours.
Pourquoi cette victoire est-elle importante?
Elle sonne le glas du mirage des hydrocarbures au Québec. Certes, il faudra attendre à l’automne 2021 pour que le gouvernement annonce son intention de mettre fin à toute exploitation pétrolière et gazière sur le territoire, mais force est d’admettre qu’aucun projet n’a depuis suscité une bulle similaire à Anticosti.
Facteur décisif
Lorsque le premier ministre Philippe Couillard a indiqué qu’Anticosti était « une richesse naturelle qu’il voulait qu’on transmette à nos enfants et nos petits enfants », nous avons su qu’il serait très difficile pour n’importe quel gouvernement suivant de réanimer le rêve des hydrocarbures.
1. Ex aequo : la fin d’Énergie Est et de GNL Québec
2013 à présent
Les deux monstres se suivent, se ressemblent et font peser une menace tout acabit sur l’environnement au Québec : climat, espèces menacées, eau potable, milieux naturels, santé…tout est en péril.
En 2013, la compagnie TransCanada annonce son intention de construire l’oléoduc Énergie Est qui doit relier l’Alberta au Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec, pour acheminer plus d’un million de barils de pétrole bitumineux par jour vers les marchés outremer. Sur la portion québécoise du tracé, l’oléoduc prévoit également un terminal pétrolier à Cacouna, au coeur de la pouponnière des bélugas du Saint-Laurent, une espèce en voie de disparition.
De son côté, le projet GNL Québec vise à exporter du gaz issu de fracturation de l’Ouest canadien vers l’international par un gazoduc traversant le Québec de l’Abitibi jusqu’au fjord du Saguenay, où une usine doit liquéfier le gaz avant de l’exporter par super-méthaniers en traversant l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent.
Si la similitude des projets est frappante, il en va de même de l’opposition inédite qu’ils génèrent : des dizaines de groupes environnementaux et citoyens se mobilisent, organisent des marches et lancent des pétitions recueillant plus de 100 000 signatures. Les groupes initient également des démarches juridiques et participent massivement aux évaluations environnementales.
Sous la pression, TransCanada abandonne son projet en 2017. Le projet GNL Québec n’a quant à lui pas encore été abandonné officiellement, mais a été rejeté par Québec à l’été 2021, ce qui le rend caduc.
Pourquoi ces victoires sont-elles importantes?
Pour plusieurs raisons. Dans les deux cas, elles marquent un point tournant dans la perception des hydrocarbures et dans la capacité des promoteurs à mettre en place des infrastructures pour les exploiter. Dans le cas d’Énergie Est, la mort du projet va envoyer un signal clair à l’industrie pétrolière : les projets visant à augmenter la production des sables bitumineux n’ont désormais plus d’acceptabilité sociale et rencontrerons une opposition qui les rendront pratiquement irréalisables.
Dans le cas de GNL Québec, c’est le mythe du gaz comme énergie de transition qui sera démonté, le reléguant au banc des énergies responsables de la crise climatique. Par ailleurs, ces victoires menées en très larges coalitions démontrent l’évolution des mentalités sur les enjeux des changements climatiques et de l’environnement au Québec. Elles confirment également la force de frappe du mouvement écologiste.
Facteur décisif
Au-delà de l’argument climatique, la menace que faisaient peser Énergie Est et GNL Québec sur le béluga, espèce menacée et aimée des Québécois-es, a certainement contribué à les couler. Dans le cas d’Énergie Est, une action juridique menée par Nature Québec, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), la SNAP Québec et la Fondation David Suzuki en 2014 a d’ailleurs forcé TransCanada à abandonner son projet de terminal pétrolier à Cacouna. Pour plusieurs, cet événement fut le début de la fin du projet.
D’autres batailles
Que ce soit contre les forages de pétrole et de gaz, et pour la protection des écosystèmes, des bélugas et des caribous, aucune bataille n’aurait pu être menée sans vous.
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Crédits
Rédaction : Gabriel Marquis
Montage : Catherine Bégin