Les enjeux environnementaux de 2022

11 mars 2022
Nos experts : Alice-Anne Simard, directrice générale; Cyril Frazao, directeur exécutif; Anne-Céline Guyon, chargée de projet Climat; Gabriel Marquis, responsable des communications.
Nos experts : Alice-Anne Simard, directrice générale; Cyril Frazao, directeur exécutif; Anne-Céline Guyon, chargée de projet Climat; Gabriel Marquis, responsable des communications.

Fin des projets d’hydrocarbures, hydrogène vert, solutions nature, caribous, 3e lien, élections, sortie de l’urgence sanitaire… quels sont les principaux enjeux environnementaux de 2022? Quels seront les dossiers chauds au Québec et au Canada? Comment remporter des victoires? Quels événements pourraient changer la donne?

 Les expert-e-s de Nature Québec sortent leur boule de cristal.

Un contexte imprévisible

Avant tout, prenons un moment pour parler de certains éléments de contexte sur la scène québécoise, canadienne et internationale. Les prochains mois s’annoncent hyperactifs et vont très certainement avoir une influence sur les enjeux environnementaux de 2022. Voici ce sur quoi nous devrions garder un œil.

1. Le « nouveau» gouvernement minoritaire de Justin Trudeau

Les élections fédérales du 20 septembre dernier ont pu sembler un retour à la case départ : le Parti libéral du Canada a de nouveau remporté un mandat minoritaire. Toutefois, le contexte offre peut-être des possibilités de gains plus substantiels qu’en 2019. 

D’abord, tant la plateforme électorale du Parti libéral que les premières lettres de mandats aux ministres de l’Environnement et des Ressources naturelles font état d’objectifs ambitieux : plan climatique renforcé, neutralité carbone d’ici 2050, création de 30% d’aires protégées d’ici 2030, etc. Ensuite, avec 32 et 25 élus respectivement, le Bloc Québécois et le NPD – dont les plateformes font également une grande place à l’environnement  – détiennent la balance du pouvoir.  Finalement, la forte présence de Québécois-es au Conseil des ministres et dans la députation pourrait aider à mettre de l’avant les enjeux environnementaux en 2022, l’environnement faisant partie des priorités au Québec.

Il n’en demeure pas moins que la pression sera forte pour le gouvernement Trudeau, d’autant plus qu’il a été sévèrement critiqué dans le passé pour le rachat de l’oléoduc Trans Mountain 

À surveiller en particulier

L’arrivée de Steven Guilbeault, ex-militant environnemental et porte-parole d’Équiterre, à titre de ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Cette nomination est révélatrice d’une volonté d’agir, mais relève aussi les attentes. 

Catherine Fournier, élue mairesse de Longueuil en novembre 2021
Catherine Fournier, élue mairesse de Longueuil en novembre 2021

2. Des jeunes et des femmes dans les conseils municipaux

Les élections municipales de novembre dernier ont fait souffler un étonnant vent de fraîcheur sur les conseils municipaux avec l’arrivée de jeunes et surtout, de femmes, pour qui l’environnement est une priorité. En effet, environ 37 % des postes électifs au niveau municipal sont désormais occupés par des femmes au Québec, une première!  Également, près de 10 % des nouveaux élu-e-s ont entre 18 et 34 ans. C’est encore peu, mais ça pourrait faire une différence considérant que cette tranche d’âge est celle qui se mobilise actuellement le plus pour le climat et la transition écologique. Autre élément intéressant : la dernière élection municipale fut la première à voir des débats organisés spécifiquement autour de l’environnement, notamment grâce à l’initiative Vire au vert, à laquelle Nature Québec participe. Petit à petit, on sent que les enjeux environnementaux en 2022 ont enfin percolé à tous les paliers décisionnels!   

À surveiller en particulier

L’arrivée de femmes. En quoi cela peut-il changer la donne ? Un rapport de 2015 indiquait que 66 % des hommes considérait que des changements majeurs aux habitudes de vie étaient nécessaires pour lutter contre les changements climatiques. Cette proportion pour les femmes ? 81 % !

3. Les élections québécoises à l’automne

Depuis quelques années, l’environnement occupe une place de plus en plus grande dans les élections québécoises. 

Est-ce que ça signifie pour autant que nous aurons un gouvernement proactif sur les dossiers environnementaux à l’automne 2022 ? Ce n’est vraiment pas gagné! La Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault, qui est pour le moment le parti meneur dans les sondages, ne s’était jamais démarquée par ses positions environnementales audacieuses.  Il reste que dans les quatre dernières années, la pression de la population a permis des avancées importantes. La dernière en lice : un projet de loi sur la fin des projets d’hydrocarbures en sol québécois. 

Quelle sera la place de la transition écologique dans les priorités du prochain gouvernement ? La réponse est en partie tributaire du rapport de force que le mouvement environnemental sera capable de bâtir, un travail qui commence dès maintenant. Dans le contexte de polarisation actuelle, ce sera néanmoins un défi.

À surveiller en particulier

L’arrivée dans le paysage politique du Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime. Ce parti aux positions quasi inexistantes sur l’environnement poussera-t-il la CAQ de François Legault à droite de l’échiquier ? Ou celle-ci voudra-t-elle s’en démarquer ?

4. Les rendez-vous internationaux

Discours de David Attenborough lors de la COP 26 à Glasgow

Les grands rendez-vous ne manqueront pas d’influencer la manière dont nous aborderons les enjeux environnementaux en 2022. En voici trois à surveiller.

Le premier concerne le Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC) et la sortie d’une série de rapports consécutifs prévue en 2022. Le dernier dévoilé en février nous avertit très sérieusement que « tout retard dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et dans l’adaptation aux impacts du réchauffement nous fera rater la brève fenêtre d’opportunité nous permettant d’assurer un futur viable pour nous tous et qui se referme rapidement ».  Aussi déprimante soit-elle, la science a parlé et devrait nous pousser à être beaucoup plus ambitieux en 2022. Parallèlement aux rapports du GIEC, on doit également surveiller la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP 27) qui aura lieu en Égypte en novembre prochain.  Il y aura beaucoup à faire pour s’assurer que les pays arrivent avec des cibles rehaussées. Finalement, notons la 15e Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP 15) qui devrait avoir lieu cet été en Chine et dont l’objectif est pour le moins ambitieux :  en arriver à un plan pour « vivre en harmonie avec la nature ». 

À surveiller en particulier

Le 3e volet de la série de rapports du GIEC qui est attendu pour avril devrait aborder les solutions pour résoudre la crise climatique, incluant la notion de décroissance. Il sera intéressant de voir la réaction des États qui misent encore sur la croissance infinie de l’économie.

5. L’impact de la pandémie sur l’environnement

Déchet de masque chirurgical

L’arrivée de la pandémie et des premiers confinements ont bel et bien eu un impact mesurable sur les émissions de GES. Cela nous donne-t-il une longueur d’avance ?

Selon le Global carbon project, les émissions de GES ont en effet diminué d’environ 5.5 % en 2020, ce qui est énorme. La mauvaise nouvelle, c’est qu’avec le rebond de croissance, la hausse des émissions en 2021 a probablement déjà annulé l’effet des confinements.  Également, un rapport de 2021 de l’OCDE rappelle que si les pays ont fait une place à l’environnement dans les mesures de relance, ces derniers ont également conféré des aides directes aux industries polluantes ou permis des assouplissements aux normes environnementales. Heureusement, au Québec, le mouvement environnemental a su rester vigilant afin d’éviter que la pandémie ne serve de prétexte à avaliser de mauvais projets ou baisser les standards environnementaux (voir le travail fait sur le projet de loi 61 visant la relance de l’économie du Québec et le rejet du projet GNL Québec). 

Cela dit, nous n’avons pas réussi collectivement à verrouiller les gains environnementaux observés au début de la pandémie. Maintenant, le vrai défi sera le fameux « retour à la normale ».  On dit que les crises comme celle que nous traversons jouent le rôle d’accélérateur de tendances. Cette tendance sera-t-elle la transition écologique ?

À surveiller en particulier

L’impact du retrait des mesures sanitaires sur les habitudes de consommation.

6. La guerre en Ukraine

Le conflit engagé par Vladimir Poutine en Ukraine a le potentiel de devenir l’élément décisif qui marquera l’année 2022. Si le conflit s’envenime, il sera beaucoup plus difficile que prévu de remettre l’environnement au sommet de l’ordre du jour des gouvernements.

À surveiller en particulier

Le temps que durera le conflit.  Plus celui-ci sera long, plus la pression sera forte pour libérer l’Europe de sa dépendance aux hydrocarbures russes. Alors qu’on devrait y voir un incitatif à accélérer la transition énergétique, certaines voix n’ont pas raté l’occasion de vanter les mérites du pétrole et du gaz canadien et de raviver les fantômes des projets GNL Québec et Énergie Est. Un argumentaire à surveiller de très près.

Les dossiers au Québec et au Canada

Voici les dossiers qui constituent selon nous les principaux enjeux environnementaux pour 2022 au Québec et au Canada. 

1. Notre « juste part » dans l’effort climatique

Nature Québec travaille depuis plusieurs années au rehaussement des cibles climatiques du Québec et du Canada afin que celles-ci soient en phase avec ce que recommande la science . Cependant, avec les conclusions du dernier rapport du GIEC, il faudra se montrer encore plus persuasifs. Notamment, au fédéral, on attend de pied ferme le plan renforcé de réduction des émissions que le gouvernement Trudeau doit présenter en mars et la première stratégie d’adaptation prévue à l’automne 2022. 

Une des notions dont vous devriez entendre de plus en plus parler en 2022 est celle de notre « juste part » dans l’effort climatique. Celle-ci réfère à la responsabilité historique des États industrialisés (comme le Québec et le Canada) dans la crise climatique et à notre obligation d’aider les pays en développement par des cibles plus ambitieuses et des transferts de connaissances.

À surveiller en particulier

L’ambition que le Canada affichera à la COP 27 qui aura lieu en Égypte en novembre.

2. La production d’énergies fossiles et leur financement

À Ottawa, les yeux seront rivés sur le premier ministre, son nouveau ministre de l’environnement et leurs décisions concernant les nouveaux projets d’hydrocarbures au pays. 

Au Québec, le gouvernement a déposé en février un projet de loi pour fermer définitivement la porte à l’exploitation et au financement des projets d’exploitation d’hydrocarbures. Il s’agit d’une immense victoire! Nature Québec travaille maintenant avec d’autres groupes à s’assurer que ce projet de loi soit bel et bien adopté et qu’il ferme la porte aux indemnisations aux industries fossiles. 

Dans un cas comme dans l’autre, la production d’hydrocarbures et son financement sont  incompatibles avec la science. Les actions des gouvernements à cet égard en diront long sur le sérieux de leurs ambitions climatiques.

photo de forage

À surveiller en particulier

La décision que le gouvernement Trudeau (et le ministre Guilbeault) prendront au sujet du mégaprojet pétrolier Bay du Nord au large de Terre-Neuve.

Non à l’indemnisation des gazières et pétrolières!

Les Québécois-es ont le droit de tourner le dos aux hydrocarbures sans verser des millions en compensation aux industries responsables de la crise climatique!

3. La place de l’adaptation, des technologies et de la nature dans les solutions climatiques

Les solutions concrètes pour nous adapter et lutter contre les changements climatiques risquent de générer de plus en plus de discussions en 2022. 

Par exemple, on voit déjà que les gouvernements cherchent des solutions à faible coût politique pour remplacer les énergies fossiles et atteindre leurs cibles. C’est dans ce contexte qu’est apparue récemment la lubie de l’hydrogène «vert». Sans totalement discréditer cette option (voir notre mémoire sur le sujet), rappelons que les solutions technologiques ont leur utilité, mais peuvent engendrer d’autres problèmes que ceux qu’elles sont appelées à résoudre. 

A contrario, on devrait parler un peu plus de la place de la nature dans les solutions climatiques, particulièrement en lien avec l’adaptation alors que les inondations, l’érosion et les températures extrêmes se font plus fréquentes. Jusqu’à présent, on a peu parlé des solutions «nature» par rapport aux solutions technologiques, mais celles-ci sont appelées à jouer un grand rôle dans nos efforts climatiques.  De notre côté, nous travaillons à les faire connaître au Québec avec notre projet  En mode solutions nature

À surveiller en particulier

À mesure que les événements climatiques extrêmes augmentent à travers le pays, il est probable qu’on parlera de plus en plus du rôle des écosystèmes sous l’angle de l’adaptation.

Votre appui est essentiel

Votre appui est essentiel pour empêcher les gouvernements et les industries d’aggraver les crises du climat et de la biodiversité. Vos dons nous permettent de mener des campagnes indépendantes et sans compromis.

Merci!

4. La création d’aires protégées dans le sud du Québec

À la fin 2020, le gouvernement du Québec a annoncé une série d’aires protégées qui lui a permis d’atteindre de justesse ses objectifs internationaux en matière de protection du territoire. Le hic : 83 projets d’aires protégées qui étaient soutenus par la communauté sont demeurés bloqués par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Pourquoi ? Ces projets étaient situés au sud du Québec, soit dans la portion exploitable de la forêt québécoise (voir la carte).

Forêt Joly de Lotbinière
Forêt Joly de Lotbinière
Carte des aires protégées du Québec
Carte des aires protégées du Québec

Le ministre de l’Environnement Benoît Charette a tenté de se faire rassurant en disant que les projets étaient toujours « à l’étude», mais il apparaît clair qu’un bras de fer se joue avec le MFFP.  De nouvelles aires protégées ont bel et bien été annoncées dans le sud du Québec (notamment sur la Côte-Nord, dans les Laurentides et Lanaudière et l’Outaouais), mais celles-ci ne totalisent que 300 km2 (0,02 % du territoire). En outre, 70 projets sont toujours bloqués. Ce dossier sera assurément un des enjeux environnementaux à surveiller en 2022, d’autant plus que Québec s’est doté d’une nouvelle cible de 30% de territoire protégé pour 2030. Le temps file! 

À surveiller en particulier

Intimement lié à la protection du territoire, le dossier du caribou que nous aborderons au prochain point.

5. La disparition des caribous

Selon le dernier inventaire rendu public à l’automne 2021, les populations de caribous forestiers et montagnards au Québec frisent l’extinction (17 individus à Charlevoix ; 7 à Val-d’Or ; entre 32 et 36 en Gaspésie). Bien qu’ils soient protégés par les lois canadienne et québécoise, aucune stratégie ne s’est jusqu’à présent attaquée à la cause véritable de leur déclin :  la perturbation de leur habitat par l’industrie forestière (qui les rend vulnérables à la prédation).Actuellement, le taux de perturbation de l’habitat du caribou se situe entre 60 % et 85 %, bien au-delà du seuil qui permet sa subsistance. 

À l’été 2021,  Nature Québec a lancé la campagne Caribou je t’aime pour faire pression sur le gouvernement québécois afin qu’il adopte une stratégie de protection qui impliquerait notamment la création d’aires protégées.  Pour le moment, le ministre du MFFP, Pierre Dufour, se complait dans une inaction gênante et a plutôt annoncé la tenue d’une  « commission indépendante» au printemps (une perte de temps puisque les biologistes connaissent déjà les actions à mettre en œuvre). Toutefois, puisque l’industrie forestière s’y prépare, Nature Québec y participera de bonne foi (et fera probablement appel à vous). À suivre!  

À surveiller en particulier

Ottawa qui pourrait intervenir et forcer le Québec à protéger les caribous, puisque le fédéral a également une obligation légale de le faire.

Sauvez les derniers caribous de la Gaspésie!

Il ne reste plus qu’une trentaine de caribous de la Gaspésie, alors qu’ils étaient plus de 200 dans les années 1980. Exigeons une stratégie nationale de protection et de rétablissement de cet emblème de la biodiversité, du Québec et de la Gaspésie!

6. La Stratégie d’urbanisme et d’aménagement du territoire

Il est assez étonnant de constater que le cadre législatif en matière d’aménagement de nos villes n’ait jamais véritablement intégré la protection des milieux naturels.

Photo du Quartier Dix-30 par Marie-Ève Maheu
Photo du Quartier Dix-30 par Marie-Ève Maheu

Heureusement, une opportunité de changer la donne est apparue à l’automne dernier, alors que le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a lancé une vaste consultation sur la future Stratégie nationale sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire (SNUAT).  Le mémoire déposé par Nature Québec  dans le cadre de cette consultation aborde pour une première fois l’aménagement et l’urbanisme sous l’angle de la conservation. Il met notamment de l’avant le besoin de protéger les écosystèmes et les corridors écologiques, ainsi que de créer des infrastructures vertes au cœur de nos villes.

L’adoption de la SNUAT est prévue au printemps 2022. Il sera primordial d’en analyser le contenu à ce moment, mais aussi de rester mobilisé-e-s afin de mettre un frein à l’étalement urbain qui s’est accentué dans les 20 dernières années. 

À surveiller en particulier

Une étude récente indique que les changements climatiques pourraient coûter 2 milliards de dollars aux 10 plus grandes villes du Québec sur un horizon de 5 ans. Les élu-e-s municipaux verront peut-être de plus en plus les milieux naturels comme des alliés plutôt que des obstacles à l’impôt foncier.

7. La densification des banlieues (et la place de l’auto solo)

La croissance urbaine et l’étalement sont l’une des principales menaces à la biodiversité et aux milieux naturels dans le sud du Québec. Au cœur de ce modèle, la place de l’automobile (même les véhicules zéro émission!)

Au stade où nous en sommes actuellement, reverser la vapeur demandera un gros changement de paradigme qui risque de susciter des débats en 2022. En effet, attendez-vous à ce qu’on ne parle plus seulement de densifier les centres urbains, mais qu’on commence à s’intéresser également aux banlieues : comment y réduire le temps de déplacement ? Comment y ajouter des services de proximité ? Comment y améliorer la part modale des transports actifs et collectifs ?

Cette vision ne fait pas encore l’unanimité, mais elle est peut-être une réponse aux arguments des défenseurs du titanesque projet de 3e lien et aux problèmes que rencontrent actuellement les projets de transports collectifs comme le tramway (la coupe d’arbre est largement tributaire de la volonté de conserver des voies automobiles)…Et il faudra certainement garder un oeil sur ces deux sous-enjeux environnementaux en 2022.

À surveiller en particulier

L’impact à moyen terme du télétravail sur les habitudes de déplacement, notamment en périphérie des villes.

8. La prise en compte du lien entre la santé et de l’environnement dans nos décisions

Photo du domaine Maizerets par Luc Blain

La pandémie a donné un coup d’accélérateur à plusieurs projets de société, certains bons, d’autres moins. Cela dit, même lorsque les intentions sont nobles, on rate des opportunités de répondre de manière synergique aux problématiques à la fois environnementales et de santé publique. C’est d’ailleurs quelque chose que Nature Québec essaie d’inculquer depuis des années avec son programme Milieux de vie en santé

L’exemple le plus décevant des derniers mois est la coupe d’arbres matures sur les chantiers des nouvelles Maisons des Aîné-e-s.  Si tout le monde reconnaît la nécessité d’offrir de meilleurs milieux de vie aux personnes aînées, conserver les boisés à proximité des nouvelles infrastructures leur aurait également permis un accès bénéfique à la nature. 

En 2022, on devrait voir une pression croissante pour que les enjeux de santé publique et d’environnement soient mieux intégrés dans le processus décisionnel concernant les grands projets. 

À surveiller en particulier

Du côté des médecins, on songe de plus en plus à prescrire des «bains de nature» aux patients, en raison de leurs bénéfices pour la santé mentale et physique. Cette reconnaissance formelle du lien entre santé et environnement pourrait nous aider à progresser.  

Et l’impact de la pandémie sur la mobilisation?

L’issue des enjeux environnementaux de 2022 dépendra en grande partie de notre capacité à nous mobiliser.  Le 27 septembre 2020, 500 000 personnes étaient rassemblées à Montréal pour le climat. Où en est tout ce beau monde après 2 ans de pandémie ? Répondra-t-il de nouveau à l’appel ?

Les plus récentes données du Baromètre de l’action climatique paru en décembre dernier pourraient nous inquiéter :  61 % de la population se dit préoccupée par les problèmes environnementaux, contre 79 % en 2020. 

Cela dit, ce glissement est-il anormal ? Il faut relativiser. Après que la Covid-19 ait occupé l’ensemble de nos vies pendant 2 ans, on se surprend en fait que l’environnement intéresse toujours autant. 

Par exemple, lors des dernières élections fédérales, l’environnement et les changements climatiques ont continué d’être parmi les principales préoccupations des quelque 300 000 utilisateurs de la  Boussole électorale. Plus récemment, le retour des grèves climatiques #FridaysForFuture dans les universités indique que les jeunes n’ont pas renoncé à se faire entendre. 

Bref, tout indique que l’environnement demeurera une préoccupation durable, probablement plus que la pandémie elle-même. Il est toutefois possible que nous devions repenser nos approches pour mobiliser.

Premier constat, nous devrons parler plus positivement de la transition. Durant les deux dernières années, les gens ont été saturés de mauvaises nouvelles et se sont sentis prisonniers d’une situation sur laquelle ils avaient peu d’emprise. Alors que les crises commandent habituellement la solidarité, l’obligation de réduire nos contacts durant ce moment anxiogène a été très difficile à vivre pour plusieurs d’entre nous.  Une grave erreur du mouvement environnemental serait de créer dans la tête des gens un lien entre la transition écologique et les privations vécues pendant la pandémie. Comme le résume très bien l’expert en énergie Constantine Samaras : « la pandémie a été la pire manière possible de réduire nos émissions ». La solidarité, les opportunités et la collectivité devraient être au cœur de nos discours.

L’autre constat, les actions individuelles et les discours culpabilisants ont moins la cote.  Les gens nous demandent qu’on leur fournisse des pistes d’action collective, pas seulement individuelles. On nous parle de plus en plus de cadre législatif, de décroissance, de droit à la nature et de justice climatique.  Fait intéressant : le Baromètre de l’action climatique note aussi que de plus en plus de Québécois-es estiment qu’il faut agir collectivement pour lutter contre les changements climatiques (+13 % par rapport à 2020).

Pour les organisations environnementales comme Nature Québec, ces tendances, bien que préliminaires, sont rassurantes. Toutefois, elles indiquent que nous devrions comme toujours adapter nos messages. Par exemple, la volonté d’agir collectivement des Québécois-es nous impose en contrepartie un devoir de rigueur et d’honnêteté. La transition écologique est probablement l’enjeu le plus important de l’humanité. Quand le mouvement environnemental proposera des solutions, il devra être en mesure d’en expliquer les impacts, les zones d’incertitudes et de les remettre en question au besoin. Le tout, sans oublier de parler des aspects positifs!

À surveiller en particulier

La réaction du grand public au retour des mobilisations climatiques menées par les jeunes. Sera-t-elle plus positive qu’en 2019 ? Ce sera un bon baromètre de l’évolution des mentalités.

Revoyez notre webinaire sur les enjeux environnementaux 2022

Crédits rédaction et révision

Gabriel Marquis