La COP15 sur la biodiversité, c’est quoi?

11 août 2022

COP15… dans les prochains mois, vous entendrez beaucoup, beaucoup cet acronyme. En effet, Montréal sera l’hôte en décembre de la 15e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies (CDB). Derrière cet événement international se cachent d’immenses enjeux pour l’avenir de la planète (et le nôtre) et, avouons-le, un peu de jargon.

Démêlons un peu tout ça.

C’est quoi une COP et pourquoi 15?

D’abord, le terme «COP»  réfère à «conférence des parties». Les «parties» étant les pays signataires d’une convention, une COP est donc un grand sommet où se rejoignent tous les pays qui ont signé et sont liés à cette convention. Le nombre «15» signifie simplement qu’il s’agit de la 15e conférence des parties à avoir lieu depuis la signature de cette convention, ici la Convention sur la diversité biologique (CDB). Mais encore? Pour mieux comprendre, il est nécessaire de faire un petit retour en arrière. 

En 1992, se tient le Sommet de la Terre, où les pays signent la Déclaration de Rio et s’entendent pour se doter d’instruments juridiques afin d’assurer la protection de l’environnement mondial. Parmi ces outils, on retrouve la fameuse Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – dont découlent le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris – qui s’occupe des questions climatiques. Il y a également la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui, vous l’aurez deviné, s’intéresse à la préservation de la biodiversité.

Comme la CCNUCC, la CDB est sans précédent puisqu’elle fournit pour la première fois un cadre législatif afin de protéger la biodiversité à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la quasi-totalité des États, soit 196 pays, en fait partie (à noter que les États-Unis l’ont signée, mais jamais ratifiée).

Comme sa sœur climatique, la CDB doit périodiquement tenir des rencontres entre ses membres afin de dresser un bilan des progrès accomplis, apporter des amendements au contenu des textes négociés et déterminer de nouveaux objectifs. Ces rencontres sont les fameuses COP.

La Conférence des Parties (COP11) de la Convention sur la diversité biologique qui s'est tenue du 8 au 19 octobre 2012 à Hyderabad, en Inde.

Eh oui, il y a  des COP pour le climat et des COP pour la biodiversité (pas trop mêlé-e-s?). Contrairement aux COP sur le climat annuelles, les COP sur la biodiversité se réunissent en moyenne aux deux ans… lorsqu’il n’y a pas de pandémie!

Pourquoi à Montréal?

Précisons d’emblée que la COP15 sur la biodiversité à Montréal est dans les faits la seconde partie d’une COP qui devait initialement se tenir en Chine en 2020. Ceci dit, la pandémie de COVID-19 a passablement chamboulé les plans. Suite à de nombreuses tentatives de report, il a été décidé de scinder la COP15 sur la biodiversité en deux sessions.

Ville de Kunming, Chine.
Ville de Kunming, Chine.

La première s’est déroulée majoritairement en mode virtuel en Chine, à Kunming, à l’automne 2021. La seconde devait également avoir lieu dans ce pays hôte, mais les multiples restrictions sanitaires ont forcé les membres à chercher un nouvel endroit pour tenir la conférence. Montréal, qui abrite le secrétariat de la CDB, s’est imposée par défaut. Notons toutefois que la Chine conserve la présidence de la COP15 et que les deux pays (Chine et Canada) vont devoir collaborer étroitement pour son organisation.

Pourquoi la COP15 sur la biodiversité est-elle importante?

La COP15 sur la biodiversité est de celles qui visent à fixer de nouveaux objectifs et à rehausser le niveau d’ambition des États. À cet égard, elle embrasse elle-même un objectif ambitieux : le développement d’un cadre mondial commun pour restaurer et protéger la biodiversité pour l’après-2020. Ultimement, ce cadre doit permettre de «concrétiser, d’ici 2050, une vision commune de vivre en harmonie avec la nature».  Le monde fait face à un «moment de vérité» dans la protection de la nature, a averti la secrétaire administrative de la CDB, Elizabeth Maruma Mrema.

Elizabeth Maruma Mrema

Le monde fait face à un «moment de vérité» dans la protection de la nature.

– Elizabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique.

En raison de la symbolique et des attentes qu’elle suscite, plusieurs comparent la COP15 sur la biodiversité à la COP21 sur le climat, qui a débouché sur le célèbre Accord de Paris. Elle pose avant tout un immense défi compte tenu de l’état des lieux.

Les parties célèbrent l’adoption historique de l’Accord de Paris lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Paris (COP 21).

En effet, l’humanité accuse actuellement un très gros retard en matière de conservation de la biodiversité. Aucun des 20 précédents objectifs (nommés Objectifs d’Aichi) adoptés lors de la Conférence de Nagoya (COP10 en 2010) n’a été totalement atteint au plan mondial. Pourtant, le temps presse. Selon un rapport de 2019 de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), pas moins d’un million d’espèces animales et végétales, sur les quelque huit millions estimées sur Terre, sont menacées d’extinction. Cette situation menace les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire de milliards de personnes, notre santé et notre qualité de vie.

Lors de la première partie de la COP15 sur la biodiversité, les pays se sont entendus sur un texte, la Déclaration de Kunming, qui contient 17 objectifs.  Parmi ceux-ci, on retrouve la protection de 30 % des terres et des mers d’ici 2030. Actuellement, le monde protège près de 16% du milieu terrestre et aquatique et 8% du milieu marin. 

En date de 2022, uniquement 8% des milieux marins sont protégés sur les 30% à atteindre pour 2030.
En date de 2022, uniquement 8% des milieux marins sont protégés sur les 30% à atteindre pour 2030.

La déclaration de Kunming servira de base aux négociations pour le véritable cadre mondial qui devra émerger de la COP15 sur la biodiversité à Montréal. Le résultat de cette conférence sera donc crucial pour l’avenir des efforts de conservation des 30 prochaines années.  En termes clairs, c’est notre avenir à toutes et tous qui s’y joue.

Quels enjeux pour le Québec et le Canada?

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Si le cadre visé par la COP15 sur la biodiversité est mondial, il n’en demeure pas moins que ce sont les États signataires de la CDB (et les gouvernements infranationaux en leur sein) qui seront responsables de son implantation. Avec ses vastes objectifs, ce cadre impliquera, ailleurs comme ici, une remise en question de nos modes de production et de la pression qu’ils exercent sur les espèces et leurs habitats. Pensons seulement aux impacts de l’industrie forestière sur le caribou.

Concrètement, les pays peuvent déjà freiner le déclin de la biodiversité à relativement court terme en protégeant mieux leur territoire. À ce titre, le Québec et le Canada ne sont pas les pires élèves. Le Québec, par exemple, a presque atteint l’objectif d’Aichi de protection de 17 % de ses territoires terrestres et d’eau douce. Néanmoins, la majorité des aires protégées ont été créées dans le Nord et plusieurs projets au sud du 47e parallèle ont été rejetés en raison des pressions des industries. Et à l’échelle canadienne, on est encore très loin d’une cible de 30 % en 2030, avec actuellement près de 13% de protection du territoire terrestre et aquatique, et 9% de protection du territoire marin.

Au Québec, la majorité des aires protégées ont été créées dans le Nord du Québec.

La conservation de la biodiversité au sud du territoire est l’un des enjeux pour lesquels le Québec et le Canada pourraient faire mieux, aux côtés du financement des plans de conservation, de la création d’aires protégées d’initiative autochtone et de la préservation des espèces comme le caribou.

En tant qu’hôtes de la COP15 sur la biodiversité, le Québec et le Canada ont la responsabilité de se positionner en leaders en annonçant des avancées dans ces nombreux dossiers. C’est pourquoi il sera important de regarder du côté des ministres Steven Guilbeault et Benoît Charette durant l’événement. Le Québec et le Canada devront également jouer le rôle de facilitateurs de négociations entre les parties en vue de l’adoption d’un cadre mondial ambitieux pour freiner et inverser le déclin de la biodiversité.

Que puis-je faire?

Les pressions de la société civile seront indispensables pour que la COP15 sur la biodiversité débouche sur un texte fort. Nature Québec sera vos yeux, vos oreilles et votre bouche lors de cette grande messe de la biodiversité. Nous aurons assurément besoin de vous afin que les voix des Québécois-es, des Premiers peuples, des écologistes et des plus jeunes générations soient entendues par le monde entier.

Capsule vidéo

Notre chargée de projet climat Anne-Céline Guyon vous explique qu’est-ce que la COP15 sur la biodiversité et ce qu’elle implique les efforts de conservation.

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RÉFÉRENCES

Agence France Presse, «Le monde fait face à un «moment de vérité» dans la protection de la nature», 11 octobre 2021, Radio-Canada Info, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1830772/cop15-kunming-biodiversite-chine 

Blais, Stéphane, «Montréal accueillera la deuxième partie de la COP15 en décembre, La Presse, 21 juin 2022, en ligne, https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2022-06-21/montreal-accueillera-la-deuxieme-partie-de-la-cop15-en-decembre.php 

Convention sur la diversité biologique, Premier projet de cadre mondial pour la biodiversité pour l’après-2020, 5 juillet 2021, document PDF, https://www.cbd.int/doc/c/d40d/9884/b8a54563a8e0bf02c1b4380c/wg2020-03-03-fr.pdf 

Fricot, Pauline, «Top départ pour la COP15 sur la biodiversité : 5 enjeux de cet événement crucial pour la nature», Agence France-Presse, 8 octobre 2021, en ligne, https://www.novethic.fr/actualite/environnement/biodiversite/isr-rse/cop15-biodiversite-cinq-questions-sur-le-grand-rendez-vous-mondial-a-quelques-jours-de-l-ouverture-150218.html 

Gouvernement du Canada, «Le Canada accueillera les délégués à Montréal pour la conférence sur la diversité biologique, la (COP15)», Déclaration du ministre Steven Guilbeault et de la ministre Mélanie Joly, 22 juin 2022, en ligne, https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2022/06/canada-convie-les-delegues-a-montreal-pour-la-conference-sur-la-diversite-biologique-cop15.html 

IPBES, «Rapport de l’évaluation mondiale et des service écosystèmes», Résumé à l’attention des décideurs, 2019, https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf 

Protected planet, «Discover the world’s protected areas», https://www.protectedplanet.net/en

Sheilds, Alexandre, «La prochaine conférence de l’ONU sur la biodiversité aura lieu à Montréal en décembre», Le Devoir, 21 juin 2022, en ligne, https://www.ledevoir.com/environnement/725454/montreal-accueillera-la-deuxieme-partie-de-la-cop15-du-5-au-17-decembre

Wikipedia, Convention on Biological Diversity, https://en.wikipedia.org/wiki/Convention_on_Biological_Diversity#Conference_of_the_Parties_(COP)

Anne-Céline Guyon

Anne-Céline Guyon

Chargée de projet Climat

anne-celine.guyon@naturequebec.org
581 989-0815

Crédits

Rédaction : Gabriel Marquis

Révision :  Anne-Céline Guyon, Alice-Anne Simard