La biomasse pour chauffer des serres : un choix logique vers l’autonomie alimentaire et énergétique

1 mai 2020
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Le 3 avril dernier, le Premier ministre François Legault affirmait la volonté de son gouvernement d’augmenter l’autonomie alimentaire du Québec. Il visait notamment l’augmentation de la superficie des serres afin d’importer moins de fruits et légumes. Cette intervention a remis au goût du jour une des responsabilités fondamentales de l’État moderne, malheureusement oubliée : l’autonomie alimentaire de son territoire et sa population. Si nous avons perdu ce fondement à cause de la mondialisation, il est bien temps que l’on s’y remette, encore plus ces jours-ci.

Le projet gouvernemental vise entre autres le secteur de la production en serres. Ça peut sembler évident, mais il ne faut pas oublier que la production serricole au Québec apporte plusieurs défis de taille, notamment notre hiver, froid et peu lumineux, et donc, une consommation énergétique potentiellement élevée. Précisons d’emblée qu’il est souhaitable d’opter pour une production agricole de proximité et de modifier le comportement des consommateurs pour favoriser la production de végétaux qui peuvent pousser dans des serres froides afin de minimiser les besoins en chauffage l’hiver (voir Jean-Martin Fortier dans La Presse ). Cependant, les cultures les plus prisées actuellement, telles que les concombres, tomates, poivrons et laitues, nécessitent une température de culture relativement élevée.

Pour le chauffage de serres, le gaz naturel, le mazout et le propane sont évidemment à proscrire en raison de leurs émissions de GES. On pense alors immédiatement à l’hydroélectricité pour chauffer nos serres, mais celle-ci n’est peut-être pas la solution optimale pour les grands besoins en chaleur. Cet usage pourrait aussi détourner l’hydroélectricité nécessaire à la transition dans d’autres secteurs comme les transports.

Voyons alors comment la biomasse forestière résiduelle pourrait nous aider à fournir la chaleur nécessaire à une production écologique en serres.

L’hydroélectricité pour chauffer les serres?

Hydro-Québec est une société d’État avec plusieurs rôles évoluant avec le temps. Historiquement, elle a assuré la construction de barrages hydro-électriques à travers le Québec. Ce choix audacieux nous apporte encore aujourd’hui de nombreux avantages, notamment environnementaux. Cependant, les rivières faciles d’accès possédant un bon potentiel de construction de barrages ont pratiquement toutes été harnachées. De plus, avec la démocratisation et la baisse des prix de l’électricité éolienne et solaire, la construction de nouveaux barrages est de moins en moins justifiable, du moins, à court et moyen terme. Il faut maintenant optimiser notre ressource collective afin qu’elle amène les plus grands bénéfices pour la société.

Le gouvernement actuel est favorable à l’électrification de multiples usages pour remplacer les combustibles fossiles. Ainsi, il a récemment envisagé l’électrification massive des transports et l’exportation de notre électricité propre vers les États et provinces voisin(e)s, afin de fermer des centrales électriques polluantes.

Considérant que la production en serres demande beaucoup d’énergie pour le chauffage et l’éclairage, électrifier à 100% toutes les serres actuelles et à venir pourrait prendre une part significative de l’électricité disponible au Québec. Ce faisant, notre pouvoir d’agir dans d’autres secteurs sera d’autant plus limité. Il faut donc faire des choix de société, afin de privilégier certains usages : chauffer nos serres est une bonne option, tout comme celle de remplacer le charbon qui produit l’électricité de nos voisins ou encore électrifier nos voitures, où les alternatives renouvelables sont plus rares. Il faut donc optimiser notre richesse collective pour en maximiser les bénéfices qu’elle peut nous apporter!

Tel qu’expliqué dans mon dernier article, l’utilisation de l’électricité pour la production de chaleur peut également devenir problématique lors des pointes de consommation, ces moments où, par grands froids, tous les systèmes de chauffage fonctionnent au maximum et qui font qu’Hydro doit importer de l’électricité à prix fort de nos voisins. Il existe différents moyens techniques pour limiter l’impact de la pointe de consommation, mais ceux-ci peuvent rapidement devenir onéreux.

Éviter les conflits d’utilisation implique donc de déterminer quelle source d’énergie convient le mieux à quel usage, notamment pour la production de chaleur. Avec l’objectif de limiter l’utilisation de combustibles fossiles, il devient important de n’utiliser que des énergies renouvelables. Et l’énergie renouvelable ne se limite pas à l’électricité produite sans combustible fossile.

Si vous avez lu mon précédent billet, vous connaissez déjà un peu les fondements derrière la biomasse forestière résiduelle et ses bénéfices économiques et environnementaux potentiels pour les secteurs agricole et industriel (sinon, ça peut valoir la peine d’aller le survoler). Ce potentiel s’applique également au chauffage des serres.

Crédit photo : Gobeil, Dion et Associés

On peut d’abord compter sur une économie d’échelle lorsqu’on utilise de la biomasse forestière pour de grands besoins en énergie. Ainsi, pour le chauffage de grandes serres nécessitant beaucoup de chaleur (production de tomates, concombres…), la biomasse est une option très compétitive avec des frais comparables ou inférieurs aux énergies fossiles. C’est d’ailleurs une option éprouvée et adoptée par de gros joueurs. Par exemple, les plus importants producteurs serricoles du Québec sur un seul site, Les serres Lefort (achetés récemment par Hydroserre Mirabel), ont réinvesti à plusieurs reprises pour augmenter graduellement l’utilisation de biomasse dans leurs installations. Après une première expérience, ils ont réalisé que cette option énergétique fonctionnait, était économique et leur permettait de réduire leurs émissions de GES. Ils ont donc renouvelé avec la biomasse et ont même augmenté à 2 reprises la superficie chauffée avec cette méthode.

De nombreux autres exemples dans le domaine des serres sont disponibles sur le site de Vision Biomasse Québec.

La biomasse forestière résiduelle pour la production en serre

Si vous avez lu mon précédent billet, vous connaissez déjà un peu les fondements derrière la biomasse forestière résiduelle et ses bénéfices économiques et environnementaux potentiels pour les secteurs agricole et industriel (sinon, ça peut valoir la peine d’aller le survoler). Ce potentiel s’applique également au chauffage des serres.

On peut d’abord compter sur une économie d’échelle lorsqu’on utilise de la biomasse forestière pour de grands besoins en énergie. Ainsi, pour le chauffage de grandes serres nécessitant beaucoup de chaleur (production de tomates, concombres…), la biomasse est une option très compétitive avec des frais comparables ou inférieurs aux énergies fossiles. C’est d’ailleurs une option éprouvée et adoptée par de gros joueurs. Par exemple, les plus importants producteurs serricoles du Québec sur un seul site, Les Serres Lefort (achetés récemment par Hydroserre Mirabel), ont réinvesti à plusieurs reprises pour augmenter graduellement l’utilisation de biomasse dans leurs installations. Après une première expérience, ils ont réalisé que cette option énergétique fonctionnait, était économique et leur permettait de réduire leurs émissions de GES. Ils ont donc renouvelé avec la biomasse et ont même augmenté à 2 reprises la superficie chauffée avec cette méthode.

De nombreux autres exemples dans le domaine des serres sont disponibles sur le site de Vision Biomasse Québec.

Le potentiel de la biomasse ne s’arrête cependant pas aux grandes serres. L’utilisation de granules plutôt que de plaquettes comme combustible peut diminuer les coûts  d’investissements et donc, être plus intéressants pour des installations de tailles plus modestes. Il pourrait même y avoir, dans un tel scénario, un système biénergie, qui chauffe à l’électricité la plupart du temps, mais qui pourrait chauffer aux granules lors des périodes de pointes. Cela permettrait de limiter le problème de la consommation de pointe, tout en n’utilisant aucune énergie fossile. Ce type de projet nécessite cependant des évaluations techniques plus poussées afin de cerner au préalable les besoins en énergie (à noter que Nature Québec offre aux organismes et entreprises, un accompagnement gratuit à cet effet, grâce à une aide financière de Transition énergétique Québec).

En somme, si le Québec veut augmenter sa sécurité alimentaire et la production locale en serre dans les prochaines années, le chauffage à la biomasse forestière résiduelle devrait être considéré sérieusement dans le mix énergétique. Cela permettrait non seulement d’augmenter notre résilience au plan alimentaire, mais aussi énergétique et environnemental en diminuant nos importations d’hydrocarbures, sans toutefois générer de conflits d’usages avec l’hydroélectricité.

Espérons que M. Legault et son « comité de relance » aborderont cette question quelque part dans la sortie de crise…et plus tôt que tard.

Questions-réponses sur la biomasse

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Emmanuelle Rancourt

Chargée de projet Énergie et biomasse

emmanuelle.rancourt@naturequebec.org
418 648-2104

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