Le requin du fleuve St-Laurent : 5 choses à savoir

21 juillet 2022

C’est devenu un rendez-vous estival : le signalement d’un requin dans le fleuve St-Laurent fait la nouvelle et enflamme les réseaux sociaux juste à temps pour la saison de la baignade. Anecdote ou présence confirmée? Y a-t-il du requin dans les eaux du fleuve St-Laurent? Si oui, combien d’espèces y retrouve-t-on? Pourquoi y sont-elles et comment se portent-elles?

Nature Québec profite du début du Shark Week pour faire le point.

Qu’est-ce que le Shark Week?

Le Shark Week (semaine du requin) réfère à un événement télévisé de la chaîne Discovery qui a lieu chaque été depuis 1988. Bien qu’il soit l’objet de critiques liées à son ton sensationnaliste, le Shark Week avait initialement pour mission de défaire l’aura négative autour des requins. Aujourd’hui, la popularité indéniable de l’événement demeure un bon prétexte pour parler de ce mal-aimé des océans et des enjeux liés à sa conservation.

Oui, il y a du requin dans le fleuve St-Laurent

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Mieux : il y en a toujours eu! Si on a l’impression d’en entendre parler plus régulièrement, c’est surtout en raison des efforts de conservation qui commencent à porter fruit et de l’omniprésence des téléphones intelligents qui rendent les signalements plus fréquents.

Il n’y a pas de danger

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Ne craignez rien pour votre saucette! La majorité des espèces que l’on peut rencontrer dans le St-Laurent se trouvent dans l’estuaire moyen et le golfe, là où les eaux sont froides. Par ailleurs, peu de ces espèces constituent un danger pour l’humain et même lorsque c’est le cas, les attaques sont très rares dans le monde (inexistantes au Québec).

Sa présence et son rôle sont sous-documentés

Malheureusement, la présence du requin dans le fleuve St-Laurent a été l’objet de relativement peu de recherche dans le passé. On sait que certaines espèces y sont de passage pour la reproduction ou l’alimentation, et que d’autres y vivent à l’année. Comme plusieurs prédateurs, les requins contribuent probablement à l’équilibre de l’écosystème du fleuve, mais leur rôle, l’état de leurs populations et leurs habitudes mériteraient d’être mieux définis.  C’est pourquoi des chercheurs commencent à s’y intéresser davantage.

L’Observatoire des requins du Saint-Laurent (ORS)

Il y a quelques années, une petite équipe de scientifiques menée par Jeffrey Gallant s’est donné pour mission d’étudier et de mieux faire connaître les requins qui vivent dans le St-Laurent. Découvrez le travail de l’observatoire des requins du Saint-Laurent (ORS).

On retrouve 7 espèces dans le St-Laurent

Sept espèces de requins résident ou fréquentent plus ou moins régulièrement les eaux du St-Laurent. Les voici, de même que certaines de leurs caractéristiques.

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Le Requin pèlerin

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Avec ses 12 mètres de long, il s’agit du plus gros requin du fleuve St-Laurent. En fait, c’est même le 2e plus gros poisson au monde (après le Requin baleine). Il fréquente le golfe et l’estuaire de juin à septembre et, à l’instar des baleines, est planctophage. Au Canada, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) lui a donné le statut de «préoccupant».

Crédit photo : Blue Planet. Greenland Shark Somniosus microcephalus. Aka Sleeper Shark. Baie Comeau, Saint Lawrence Estuary, Quebec, Canada, Atlantic Ocean
Crédit photo : Blue Planet. Greenland Shark Somniosus microcephalus. Aka Sleeper Shark. Baie Comeau, Saint Lawrence Estuary, Quebec, Canada, Atlantic Ocean

Le Requin du Groenland

Somniosus microcephalus

Ce curieux squale de 7 mètres réside à l’année dans les eaux profondes et froides du Saguenay et du chenal Laurentien (proche de l’île d’Anticosti). En raison de son habitat peu accessible, on sait relativement peu de choses à propos de ce requin hormis qu’il peut vivre très vieux ( de 270 à 400 ans selon les sources!) Cette longévité pourrait bien en faire le doyen des animaux. Il demeure un redoutable prédateur qui peut se nourrir de phoques et même de bélugas. En raison du peu de connaissances que l’on a sur l’espèce, on ignore l’état de sa population dans le St-Laurent.

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Le Grand requin blanc

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On l’imagine davantage au large des plages du Maine ou de Cape Cod au Massachusetts, mais le Grand requin blanc remonte parfois l’Atlantique jusque dans les eaux du golfe.  Entre juillet et octobre, il vient y chasser le phoque, proie de choix pour ce super-prédateur qui peut dépasser les 7 mètres de long.  Si ses apparitions font souvent la nouvelle estivale, c’est en grande partie en raison de sa sinistre réputation acquise suite au succès du film Jaws (1975). Aujourd’hui, l’iconique requin est malheureusement classé «en voie de disparition» au Canada par le COSEPAC, bien que certains indices pointent vers son rétablissement. Fait intéressant : ce sont surtout les mâles que l’on peut voir dans le golfe du St-Laurent, les femelles dominantes se réservant le territoire de chasse prisé de la côte Est américaine.

PANIQUE : L’été des requins

Pourquoi avons-nous si peur des requins ? Il y a bien le cinéma, mais ce n’est pas tout. Le balado Pas de panique revient sur « l’été des requins», un moment d’histoire où une attaque isolée et des médias en manque de sensationnalisme ont mené à une psychose collective.

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Le Requin bleu

Prionace glauca

Présent dans le golfe et l’estuaire durant l’été, le Requin bleu se démarque par sa couleur et sa modeste taille de 3 à 4 mètres de long. Bien qu’il s’empêtre parfois dans les engins de pêche, il n’est pas jugé en péril par le Cosepac. Fait intéressant : son bleu caractéristique devient gris lorsqu’il est hors de l’eau.

Le Requin maraîche

Lamna nasus

Parfois confondu avec le Grand requin blanc ou le Requin mako, ce requin d’environ 3 mètres de long se retrouve dans l’estuaire et le golfe de juin à octobre. Le Requin maraîche fait partie de la famille des Lamnidae, présente sur Terre depuis environ 400 millions d’années. Il aime se nourrir de harengs, de morues et de maquereaux. Malheureusement, il est souvent capturé par erreur par les pêcheurs et est classé en voie de disparition par le COSEPAC.

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L’Aiguillat commun

Squalus acanthias

Comme son nom l’indique, ce petit requin d’environ 1,20 mètre serait le plus commun dans le St-Laurent (et dans le monde!). Contrairement à plusieurs espèces de requins, il a un comportement plutôt social qui lui vaut le surnom de «chien de mer». On le trouve dans le golfe de juillet à septembre. Son alimentation est variée et comprend des poissons, des mollusques et des crustacés. Le COSEPAC estime sa situation «préoccupante».

L’Aiguillat noir

Centroscyllium fabricii

Avec moins d’un mètre de longueur, il s’agit du plus petit requin du fleuve St-Laurent. Il réside à l’année dans l’estuaire et le golfe et mange de petits poissons et des crustacés comme les crevettes et le krill. Il n’est pas en péril au Canada. 

Plusieurs requins du St-Laurent sont menacés

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Comme pour plusieurs prédateurs, la principale menace aux requins concerne leur cohabitation avec l’humain. À l’instar des baleines noires de l’Atlantique Nord, le requin du fleuve St-Laurent est surtout victime des engins de pêche, mais également des prises accidentelles. C’est le cas du requin maraîche. Ceci dit, puisque plusieurs espèces de requins ne sont que de passage dans le fleuve, nous ne pouvons faire abstraction de l’état de leurs populations au niveau mondial.

Ailleurs sur la planète, la surpêche du requin (notamment pour sa nageoire dorsale, prisée en Asie) est responsable du déclin de nombreuses espèces comme le Grand requin blanc, le Requin bleu et l’Aiguillat commun.

Au Canada, bien que plusieurs espèces de requins soient l’objet d’une désignation par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), celle-ci n’offre aucune protection légale tant que le gouvernement fédéral n’inscrit pas l’espèce à la Loi sur les espèces en péril (LEP). C’est le cas pour le Grand requin blanc, mais pas pour le Requin maraîche. En outre, en dépit que l’aileronnage soit interdit au pays, l’importation de carcasses de requins (et de leurs ailerons) demeure sous-réglementée, ce qui contribue à encourager les pêches non durables au niveau mondial.   

Autre enjeu de taille : la crise climatique. Celle-ci est en train de bouleverser les écosystèmes marins un peu partout sur la planète. Quels seront ses effets sur le requin dans le fleuve St-Laurent ? Pour apporter des réponses à cette question, les différents ordres de gouvernement devraient mieux financer la mission de groupes comme l’ORS et doter les scientifiques de Pêches océans Canada et du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs de meilleurs outils de suivi.

En conclusion, plusieurs espèces méconnues ou mal-aimées habitent le St-Laurent. Leur rôle dans cet écosystème fragile gagnerait à être davantage étudié et compris. Vaste sujet à aborder, mais pour ça, we’re gonna need a bigger blog!

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