La COP15 : bonne ou bad COP?
6 décembre 2022En 2020 arrivait à échéance le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique de la Convention sur la diversité biologique (CDB), lequel incluait les objectifs d’Aichi, nous laissant depuis sans orientation officielle en matière de biodiversité à l’échelle mondiale.
La prochaine Conférence des parties (COP) à la CDB qui va se tenir à Montréal est particulièrement importante, puisqu’elle doit mener à l’adoption d’un nouveau cadre mondial sur la biodiversité (ci-après «cadre mondial»).
Autant en matière de biodiversité que de climat, certaines COPs sont plus marquantes que d’autres. Ainsi, à quelques jours du coup d’envoi de cette fameuse COP15, on se demande quel sera son legs?
Fera-t-elle partie des « bonnes » ou des « mauvaises » COP? Voici 4 éléments déterminants à surveiller.
C’est quoi ça, une COP?
CDB, Conférences des Parties, COP15, COP27, Déclaration de Rio… Tout ce nouveau vocabulaire vous donne le tournis? Pas de panique! On a préparé un article qui démystifie tout ça. Bonne lecture!
1. Une COP ambitieuse
La crise de la biodiversité est une menace sans équivoque pour l’humanité. Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies (IPBES, 2019). Jusqu’à maintenant, en matière de conservation de la biodiversité, nous nous sommes attardés principalement aux causes directes de la crise, comme l’utilisation des terres et des mers. Ceci dit, cette stratégie ne nous a pas permis d’inverser la tendance. Il est donc essentiel de s’attaquer aux causes sous-jacentes du déclin de la nature, c’est-à-dire les facteurs économiques et les valeurs sociales qui alimentent sa destruction. On peut par exemple contester la notion de « progrès technologique » : en quoi une technologie est-elle une innovation lorsqu’elle contribue à détruire la nature ? Il serait dommage, à quelques semaines du quasi-échec de la COP27 sur le climat (qui vient de se terminer sans accord sur les énergies fossiles), qu’une seconde COP ne parvienne toujours pas à trouver un accord pour agir à la source du problème.
Au-delà de la cible proposée de protéger au moins 30 % des milieux terrestres et marins d’ici 2030, les Parties auront-elles le courage politique nécessaire pour agir sur les causes sous-jacentes et mener à des changements transformateurs ?
2. Une COP équitable
Le cadre mondial doit soutenir et promouvoir le respect des droits humains. En tentant d’atteindre nos objectifs en matière de conservation, il y a un risque réel que certains droits humains soient bafoués, particulièrement dans des pays où des régimes non démocratiques sont en place. Par exemple, en vue d’atteindre la cible de 30 % de territoire protégé d’ici 2030, des États pourraient « oublier » le respect de la gouvernance autochtone, notamment le concept de consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones et des communautés locales occupant les territoires à protéger.
Ainsi, les Parties doivent s’assurer que les politiques et les stratégies en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité ne violent pas les droits humains, que le partage juste et équitable des avantages soit prévu, et ce, en cohérence avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Ensuite, le projet de cadre mondial indique que : « Le succès exigera la reconnaissance de l’égalité des genres, la responsabilisation des femmes et des filles et la réduction des inégalités, un meilleur accès à l’éducation et le respect du principe de l’équité intergénérationnelle ». Ce principe et ces valeurs doivent être promus pendant et après la mise en œuvre des cibles du cadre mondial. Par ailleurs, puisque le principe d’équité intergénérationnelle repose sur le fait que les générations précédentes, actuelles et futures doivent être entendues dans le processus de décision, il importe d’écouter particulièrement la jeunesse, car c’est elle qui sera la plus impactée par les décisions que nous prenons maintenant.
Finalement, bien que le cadre mondial mentionne reconnaître les lois internationales en matière de droits de la personne, le principe d’équité intergénérationnelle et « la contribution des peuples autochtones et des communautés locales en qualité de gardiens de la biodiversité », il sera difficile d’en assurer l’application s’ils ne sont pas inscrits dans des cibles et des indicateurs.
3. Une COP cohérente
Pour être cohérent avec la crise actuelle, le cadre mondial doit viser l’arrêt de la perte de la biodiversité. Un élément à surveiller est donc l’attention qui sera mise sur la protection de la nature, celle qui subsiste autour de nous; pas celle que nous procurerait théoriquement, dans 30 ans, la plantation d’arbres. La restauration des écosystèmes fera également partie des solutions, et bien qu’elle soit importante, on ne saurait la considérer comme le principal moyen d’atteindre nos cibles. La protection de la biodiversité existante est de loin la clé du succès du nouveau cadre mondial, alors que la restauration doit se faire en plus et en parallèle. En somme, il serait complètement contre-productif que le nouveau cadre mondial encourage la compensation pour la destruction de milieux naturels. Le langage utilisé dans le cadre mondial sera donc très important afin d’être cohérent avec l’objectif visé.
Ensuite, un autre élément qui pourrait renforcer la crédibilité et la cohérence de la COP15 est la reconnaissance par les Parties (États) des liens entre les crises de la biodiversité et du climat. On le sait de plus en plus, la protection de la biodiversité est un moyen de lutte efficace contre les changements climatiques, puisqu’en protégeant la nature, nous sauvegardons d’énormes puits de carbone et permettons aux écosystèmes d’en stocker encore davantage, réduisant ainsi nos gaz à effet de serre. Finalement, puisque l’une des causes directes de la perte de la biodiversité est la crise climatique, la lutte contre les gaz à effets de serre doit aussi faire partie du nouveau cadre mondial.
4. Une COP financée
Personne ne souhaite que la COP15 n’aboutisse qu’à des vœux pieux. Pour assurer le succès du nouveau cadre mondial, le financement est un élément central. Le Québec et le Canada devront donc s’engager à fournir les ressources financières nécessaires à la mise en place d’initiatives de protection du territoire et des espèces menacées, ainsi qu’à la restauration des milieux naturels. En contrepartie, il faudra que les États mettent fin aux subventions d’initiatives destructrices de la nature afin que les efforts déployés ne soient pas un coup d’épée dans l’eau.
Par ailleurs, le principe de responsabilités communes, mais différenciées, est l’un des principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, dont découle la Convention sur la diversité biologique (CDB). Cela signifie que, tout comme le climat, la biodiversité est une responsabilité commune à tous les pays. Cependant, ce principe reconnaît que les pays industrialisés, par leur niveau de consommation et leur exploitation historique du territoire, sont davantage responsables de l’érosion de la biodiversité que les pays en développement (qui en subissent par ailleurs les conséquences de manière exponentielle). À l’instar de la COP27 sur le climat qui vient de se solder par un accord historique prévoyant de l’aide financière aux pays en développement afin qu’ils puissent faire face aux conséquences des changements climatiques, la COP15 doit prévoir des mécanismes pour aider les communautés les plus précarisées face au déclin du vivant.
Donc, une bonne COP?
En fait, il n’en tient qu’aux décideurs… et à nous qui pouvons les talonner. Espérons que les négociations de la COP15 s’inspirent de l’Accord de Paris en matière de climat qui avait permis d’établir un objectif de limiter le réchauffement en deçà du seuil de 2 ℃. Espérons également que les Parties parviennent à un accord ambitieux qui osera s’attaquer aux causes sous-jacentes de la perte de la biodiversité et qui posera les jalons d’une stratégie efficace de protection du vivant.
Capsule vidéo
Alors que les négociations de la COP15 sur la biodiversité entrent dans leur dernier droit, notre collègue Emmanuelle Vallières-Léveillé nous rappelle 4 critères pour évaluer le succès ou non de cette COP!
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Crédits
Rédaction : Emmanuelle Vallières-Léveillé
Révision : Gabriel Marquis, Marie-Audrey Nadeau Fortin