Hirondelles au Québec : comment les reconnaître et les protéger?

22 avril 2022
Crédit photo : Solange Paquette

Pour plusieurs, le retour du beau temps rime avec le retour du ballet aérien des hirondelles au Québec, mais pourrons-nous encore assister à ce spectacle longtemps? Certaines espèces d’hirondelles connaissent un déclin inquiétant, ici comme au Canada. Ce déclin est attribuable à plusieurs menaces, dont les effets sont amplifiés puisqu’elles s’additionnent et interagissent entre elles. C’est pourquoi il est important de participer à la protection des hirondelles au Québec…mais avant tout, de savoir les reconnaître!

Pour célébrer l’arrivée du printemps, Nature Québec dresse le portrait des six espèces d’hirondelles du Québec et vous donne quelques astuces pour les reconnaître et leur venir en aide!

Quelles sont les menaces aux hirondelles au Québec?

Parmi les menaces aux hirondelles au Québec, on note la perte et la dégradation de leurs habitats de reproduction, les changements climatiques, ainsi que la diminution de leur principale ressource alimentaire, les insectes volants. En effet, l’abondance et la diversité de ces insectes, que les hirondelles capturent en vol au-dessus des champs, des milieux humides et des rives, sont notamment affectées par les pesticides, les monocultures de grande surface et la destruction des milieux humides. Ainsi, plusieurs autres espèces d’insectivores aériens font face au même déclin que les hirondelles; nous n’avons qu’à penser au martinet ramoneur, aux engoulevents et aux chauves-souris.

Engoulevent
Engoulevent

Au Québec, malgré leur situation préoccupante, les hirondelles ne sont actuellement pas protégées par la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Au Canada, par contre, toutes les espèces d’hirondelles sont visées par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Depuis 2017, l’hirondelle de rivage et l’hirondelle rustique sont aussi protégées par la Loi sur les espèces en péril.

Quelles sont les principales espèces d’hirondelles au Québec?

On retrouve principalement 6 espèces d’hirondelles au Québec : l’hirondelle à front blanc, l’hirondelle rustique, l’hirondelle de rivage, l’hirondelle bicolore, l’hirondelle noire et l’hirondelle à ailes hérissées. Toutes migratrices, elles arrivent généralement au Québec entre le début avril et la mi-mai.  Chacune a des caractéristiques qui permettent de les distinguer.

Les six espèces d’hirondelles présentées dans cet article sont les plus susceptibles d’être observées au Québec. Toutefois, si vous avez de la chance, il n’est pas impossible de tomber sur une autre visiteuse exceptionnelle, surtout dans le sud du Québec, soit l’hirondelle à front brun.

Hirondelle à front blanc

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On reconnaît cette hirondelle par son front blanc, sa queue courte et carrée, ses ailes légèrement plus arrondies que les autres espèces, sa gorge rousse foncée et son croupion roux pâle. À la fin de l’été, elle migre en Amérique du Sud, jusque dans le nord de l’Argentine, puis revient parmi nous vers le début mai. Dans la nature, l’hirondelle à front blanc utilise les parois rocheuses pour nicher. Aujourd’hui, elle utilise surtout des structures humaines, comme l’avant-toit des bâtiments, le dessous des ponts et des viaducs, ainsi que l’intérieur des ponceaux. Son nid est constitué de boulettes de boue. Il est de forme conique et muni d’une petite ouverture. L’hirondelle à front blanc niche en colonie, de sorte qu’on peut parfois observer des dizaines, voire même des centaines, de nids les uns à côté des autres.

Arrivée au Québec : Début mai.

Nid: En forme de gourde, formé de boulettes de boue, dans les fissures des roches ou sur les infrastructures humaines.

Déclin : 74 % depuis 1970 au Canada, selon le Relevé des oiseaux nicheurs, mais elle reprend possiblement du mieux.

Hirondelle rustique

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Longue queue fourchue, longues ailes pointues, gorge rousse foncée, ventre pâle et dos noir bleuté; l’hirondelle rustique est l’image classique qui nous vient en tête lorsque l’on pense à une hirondelle! À l’instar de plusieurs hirondelles au Québec, elle revient chez nous vers le mois d’avril, après avoir passé l’hiver dans le sud du Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Comme l’hirondelle à front blanc, elle utilise les escarpements rocheux pour nicher dans la nature, mais depuis l’avènement de la colonisation, elle utilise principalement les structures humaines. Les couples, souvent isolés, vont notamment construire leur nid dans les granges et les garages, sous les ponts, les quais et l’avant-toit des bâtiments. Son nid est constitué de boue et à la forme d’une demi-sphère.

Un déclin à long terme

La population d’hirondelle rustique a diminué d’environ 69% en 49 ans au Canada selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) (1). Elle a actuellement le statut d’espèce menacée selon la Loi sur les espèces en péril du Canada. Après un déclin très prononcé dans les années 1980, sa population tend à se stabiliser dans plusieurs régions. Toutefois, le Québec montre un déclin à long terme.

Arrivée au Québec :  Durant le mois d’avril.

Nid: En forme de demi-sphère formée de boulettes de boue. On le trouve dans les escarpements rocheux, mais également dans les infrastructures humaines comme les vieux bâtiments agricoles. 

Déclin : 80 % depuis 1970 au Canada selon le Relevé des oiseaux nicheurs ; environ 69% entre 1970 et 2019 selon le COSEPAC.

Hirondelle de rivage

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L’hirondelle de rivage est la plus petite de nos hirondelles! Elle se distingue par son dos brun, son ventre blanc, son collier brun, sa queue échancrée et ses ailes anguleuses. C’est vers le début de mai que vous devriez apercevoir les premières hirondelles de rivage au Québec, au terme de leur migration depuis l’Amérique du Sud. Cette hirondelle forme souvent de grandes colonies au moment de la nidification. En milieu naturel, elle niche dans les berges sablonneuses de cours d’eau, où elle creuse des tunnels pouvant mesurer jusqu’à 150 cm de long. Toutefois, comme cet habitat se raréfie en raison de la stabilisation des rives à l’aide d’enrochement et de structures rigides comme des murs de soutènement, l’hirondelle de rivage trouve désormais refuge dans des sablières et des gravières. Pour les propriétaires de ces industries, il devient alors important de respecter certaines mesures afin d’éviter de détruire des nids en activité ou de perturber autrement la nidification.

Un déclin effrayant…

De toutes les espèces d’hirondelles au Québec et au Canada, l’hirondelle de rivage est celle qui a connu le déclin le plus important, soit 98% de sa population depuis 40 ans (2). La perte d’habitat de reproduction et d’alimentation, la destruction de nids et les changements subis par les populations d’insectes volants sont parmi les principaux facteurs expliquant son déclin. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les commentaires de Nature Québec sur le programme de rétablissement proposé par Environnement et Changement climatique Canada.

Arrivée au Québec :  Début mai.

Nid: Trous creusés dans les berges limono-sableuses. Elle niche en colonie.

Déclin : Jusqu’à 98% depuis 1980.

Hirondelle bicolore

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L’hirondelle bicolore se démarque par son ventre et sa gorge d’un blanc pur, son dos foncé aux reflets métalliques bleutés, ses ailes plus larges et sa queue munie d’une encoche. C’est la première hirondelle à revenir au Québec au printemps, parfois dès le mois de mars! Elle passe l’hiver dans le sud des États-Unis, au Mexique, en Amérique centrale et dans les Antilles. Dans la nature, elle construit son nid dans des cavités d’arbres, par exemple un ancien trou de pic. Elle utilise aussi les nichoirs artificiels placés à son intention. Son nid est fabriqué avec des brins d’herbe secs.

Arrivée au Québec :  Dès le début avril.

Nid: Cavité d’arbre mort ou nichoir artificiel.

Déclin : Modéré à l’échelle du Canada depuis 1970, plus prononcé dans les provinces de l’Est.  

Consultez nos fiches d’observation!

Vous voulez plus d’information sur l’identification des hirondelles au Québec? Consultez nos fiches d’observation «Pas de printemps sans ailes».

Hirondelle noire

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L’hirondelle noire est la plus grande des hirondelles au Québec. De couleur entièrement noire bleutée, le mâle adulte peut être confondu avec un étourneau sansonnet. Le plumage de la femelle est similaire, mais son ventre est gris clair, légèrement strié. Comme l’hirondelle à front blanc, elle migre en Amérique du Sud, jusque dans le nord de l’Argentine, puis revient au Québec vers le début mai. Fait intéressant, l’hirondelle noire se nourrit en vol, comme les autres hirondelles, mais généralement à plus haute altitude. De nos jours, elle niche presque exclusivement dans des nichoirs artificiels. Les nichoirs qu’elle préfère sont ceux à loges multiples, aménagés en milieu découvert, près d’un cours d’eau. Dans certaines régions de son aire de répartition, elle continue toutefois d’utiliser des cavités naturelles, comme des anfractuosités dans des rochers ou des arbres creux.

Arrivée au Québec :  Début mai.

Nid: Presque exclusivement dans les nichoirs, sinon dans des cavités naturelles de rochers ou d’arbres.

Déclin : Jusqu’à 42% depuis 1970 selon le Relevé des oiseaux nicheurs.

Hirondelle à ailes hérissées

Crédit : Rhododendrites
Crédit : Rhododendrites

Avec son dos brun et son ventre grisâtre, l’hirondelle à ailes hérissées est probablement la moins flamboyante des hirondelles au Québec. On la reconnaît aussi par ses ailes larges et sa queue courte et carrée. On peut l’observer dès le mois d’avril, alors qu’elle revient de son périple hivernal au sud des États-Unis, au Mexique, en Amérique centrale ou dans les Antilles. En milieu naturel, comme l’hirondelle de rivage, elle construit son nid dans les berges sablonneuses de cours d’eau. Toutefois, contrairement à l’hirondelle de rivage, elle ne forme pas de colonie. De plus, l’entrée de son tunnel, qui peut mesurer jusqu’à 50 cm de long, est plus grande que celle de l’hirondelle de rivage. Elle utilise aussi d’autres types de cavités et de crevasses pour nicher, ainsi que des structures humaines, comme des tuyaux d’égouttement.

Arrivée au Québec :  Dès le mois d’avril.

Nid: Berges sablonneuses de cours d’eau, mais pas en colonie. 

Déclin : Le Relevé des oiseaux nicheurs indique une forte diminution de la population depuis le début des années 1970.

Comment aider les hirondelles au Québec?

Le déclin alarmant des hirondelles au Québec vous préoccupe et vous souhaitez leur venir en aide? Vous pouvez :

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Utiliser une application

Contribuez à améliorer les connaissances sur ces espèces, notamment en notant vos observations sur l’application eBird. Cette application vous permet également d’en apprendre plus sur les oiseaux de façon générale, par exemple leur chant, leur aire de répartition et leur date d’arrivée au Québec.

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Protéger les nids

Protégez les nids existants et ne dérangez pas les hirondelles pendant la période de nidification, soit de la ponte jusqu’à l’envol des jeunes. Ainsi, si vous devez réaliser des travaux à proximité d’un nid, attendez que la période de nidification soit terminée. Celle-ci s’étend généralement de la mi-avril à la fin août. Pour plus de détails, vous pouvez consulter les calendriers de nidification d’Environnement et Changement climatique Canada (3), ou encore celui de l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec (4), qui est plus précis pour chaque espèce.

Cohabiter avec les hirondelles

Si des hirondelles ont choisi de construire leur nid sous l’entre-toit de votre maison ou de votre garage et que vous voulez éviter les salissures, vous pouvez installer une petite planche horizontale sous le nid. Attention toutefois pour que cette planche ne facilite pas l’accès des prédateurs au nid! Ainsi, il faut la placer à une distance d’environ 50 cm sous le nid.

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Installer un nichoir artificiel

Si vous avez l’espace pour le faire, vous pouvez installer un nichoir artificiel. Pour maximiser les chances de succès, il faut toutefois choisir l’emplacement du nichoir en prenant en compte les besoins des hirondelles. Par ailleurs, il est préférable d’installer celui-ci avant la mi-mars, à une hauteur allant entre 6 et 10 pieds, et d’orienter son entrée vers le sud-est, afin d’éviter l’exposition aux vents dominants. Il faut aussi veiller à bien l’entretenir et à le nettoyer chaque année, après le départ des hirondelles. Ceci permettra notamment d’éviter la propagation de maladies. Vous pouvez utiliser de l’eau savonneuse pour le nettoyage, mais évitez les produits forts, comme l’eau de javel. Pour les bricoleurs et bricoleuses, vous trouverez un plan de nichoir sur le site du projet Des nids chez vous (5) ou sur Hironbec, spécifiquement pour les hirondelles bicolores.

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Abolir l’utilisation d’herbicides et de pesticides

Vous débarrasser des insectes? Au contraire! Nous vous encourageons à favoriser la plantation d’espèces qui attireront les pollinisateurs et autres insectes volants dans votre jardin. Pour des idées à ce sujet, vous pouvez consulter notre guide sur la biodiversité urbaine, ou encore notre projet Ferme amie des abeilles.

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Limiter l’éclairage nocture

Puisque protéger les hirondelles au Québec passe indirectement par la protection des insectes, vous pouvez aussi contrôler et limiter l’éclairage nocturne extérieur. Plusieurs insectes sont attirés par la lumière. L’éclairage nocturne modifie leur cycle de vie et les désoriente (5)

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Surveiller les animaux domestiques

Surveillez vos animaux domestiques afin d’éviter le dérangement et la prédation des hirondelles. Les chats, en particulier, sont reconnus pour être d’importants prédateurs. Une étude scientifique réalisée en 2013 estimait que près de 200 millions d’oiseaux étaient tués chaque année au Canada, par des chats domestiques et errants (6).

Éviter les collisions dans les fenêtres

Évitez les collisions dans vos fenêtres, par exemple en ajoutant des autocollants de rapaces qui éloignent les autres oiseaux, dont les hirondelles.

En attendant, gardez l’œil ouvert et vos jumelles à portée de main pour surveiller l’arrivée imminente des premières hirondelles au Québec!

Photo de Marie-Audrey Nadeau Fortin

Marie-Audrey Nadeau Fortin

Chargée de projet Biodiversité et Forêt

marie-audrey.nadeau@naturequebec.org

Crédits

Rédaction : Marie-Audrey Nadeau Fortin

Révision : Viviane Rivard, Frédéric Venne, Gabriel Marquis