Dans le contexte actuel de transition écologique au Québec, l’égalité des genres émerge comme un élément incontournable, soulignant son rôle central dans la réussite de cet objectif collectif. La Journée internationale des droits des femmes du 8 mars offre une opportunité cruciale de réfléchir à l’impact de l’égalité des genres sur la transition écologique, plaçant ainsi les femmes québécoises en tête de l’action environnementale à l’échelle québécoise.
« Aborder la lutte contre les changements climatiques et l’égalité des sexes n’est pas nouveau puisque dans bien des recherches, les changements environnementaux doivent être entendus comme une lutte fondamentalement féministe. » [1]
Ce blogue s’engagera donc à explorer les réalités des changements climatiques ainsi que l’état actuel de la condition féminine au Québec, l’impact des inégalités des genres sur la transition écologique, ainsi que les initiatives en marche valorisant la présence des femmes dans cette transition. Ainsi, l’objectif principal sera de stimuler une réflexion informée et de promouvoir des dialogues constructifs en vue d’une transition écologique inclusive et équitable au Québec.
Plusieurs questions se posent quant aux défis de la transition écologique au Québec en 2024, à l’état actuel de la condition féminine, et à la manière dont l’égalité des genres peut devenir un catalyseur essentiel pour une transition écologique réussie. De plus, l’importance de l’intersectionnalité dans cette conversation collective et les initiatives actuelles alimentant le changement vers une transition plus inclusive seront examinées.
Le Québec sous le radar des changements climatiques
Au Québec, au cours des dernières années, les changements climatiques se sont manifestés à travers diverses démonstrations. Nous le voyons déjà cette année avec un hiver exceptionnellement doux et une période de dégel qui débute beaucoup plus tôt qu’à l’habitude.
Que ce soit avec des vagues de chaleur plus fréquentes, des inondations récurrentes impactant diverses régions, une érosion côtière accrue mettant en danger les communautés riveraines, des périodes de sécheresse affectant l’approvisionnement en eau et l’agriculture, des changements dans la biodiversité avec des déplacements d’espèces, ou encore des tempêtes plus fréquentes et intenses.
Certaines régions ont par ailleurs vu récemment des changements climatiques plus marquants : problèmes liés à la chaleur dans les grandes villes ; feux et évacuations dans les régions forestières ; inondations pour les municipalités côtières et impacts encore plus visibles dans le nord du Québec avec la fonte du pergélisol.
Ces changements environnementaux soulignent l’urgence d’adopter des mesures d’adaptation et d’atténuation pour renforcer la résilience du Québec face à ces défis climatiques grandissants. Or, ces bouleversements affectent particulièrement les femmes, notamment les femmes autochtones, confrontées, par exemple, aux feux de forêt qui ravagent leurs territoires.
Pensons aussi aux impacts sur la santé pulmonaire des enfants (la santé demeure encore souvent la charge mentale des mères), ou encore sur les femmes enceintes, plus vulnérables aux effets des températures chaudes. Ainsi, toute réflexion sur la transition écologique et l’adaptation devrait prendre en considération une importante variable : de façon générale, les femmes font partie des groupes de la société les plus touchés par la crise climatique. De surcroît, elles se retrouvent souvent doublement précarisées et marginalisées dans la prise de décision par leur statut économique et social.
Érosion côtière accrue
Vagues de chaleur fréquentes
Inondations récurrentes
Périodes de sécheresse
Changements dans la biodiversité
Tempêtes plus fréquentes et intenses
Déplacements d’espèces
L’état actuel de l’inégalité des genres au Québec
1. Écart salarial entre hommes et femmes
Selon les données de 2022 de l’Institut de la statistique du Québec, l’écart salarial entre hommes et femmes demeure à 3,25$ de l’heure, soulignant une inégalité persistante dans le domaine professionnel. [2]
2. Représentation féminine dans les domaines scientifiques et techniques
En matière d’éducation, bien que le nombre de femmes diplômées soit en augmentation, la représentation dans les domaines scientifiques et techniques reste sous-optimale, avec seulement 43 % de femmes universitaires en sciences pures et appliquées de femmes et 23 % en génie. [3]
3. Représentation féminine au sein du gouvernement
Selon les plus récents chiffres de 2018 recueillis par le Conseil du statut de la femme, sur le plan politique provincial, les femmes représenteraient 42% des députées et 50% des ministres du gouvernement provincial. [4]
4. Représentation féminine au sein des municipalités et des MRC
Pour les données de la même année, les femmes demeurent sous-représentées dans les MRC (23% de préfètes) ainsi que dans les municipalités (19 % de mairesses et 35 % de conseillères municipales) reflétant un déséquilibre significatif dans la représentation politique locale. [5]
Femmes qui exercent un métier ou une profession en environnement
Au mois d’août 2023, EnviroCompétences a dévoilé une étude intitulée Portrait des femmes qui exercent un métier ou une profession en environnement. Celle-ci a été conduite en collaboration avec le Réseau des femmes en environnement et pilotée par le Groupe AGÉCO. Elle explique que malgré la présence croissante des femmes par rapport à celle des hommes dans le domaine professionnel de l’environnement, près de 40% des répondantes à l’étude sentent toujours des obstacles dans l’obtention de postes décisionnels. Ce genre d’études permet de mieux comprendre les meilleurs chemins à emprunter dans le but d’impliquer davantage de femmes dans les multiples domaines environnementaux existants. [6]
40%
des répondantes à l’étude sentent toujours des obstacles dans l’obtention de postes décisionnels
« […] Il y a eu des progrès dans les dernières années, mais certains écarts semblent persister dans différents aspects du travail des femmes dans le secteur de l’environnement […] » [7]
Les voix des femmes exclues des débats
Ainsi, lorsqu’on analyse l’impact des inégalités entre hommes et femmes sur la participation aux initiatives de durabilité, il est primordial de prendre en compte le fait que les femmes peuvent être confrontées à des inégalités structurelles. L’accès des femmes aux opportunités de leadership et de prise de décision dans le domaine de la durabilité peut être considérablement limité.
Pensons notamment aux stéréotypes de genre liés aux domaines d’études et de professions, le manque d’accès aux réseaux professionnels, les inégalités salariales ou encore le manque de représentation des différents groupes de femmes en politique ainsi que dans les postes de direction.
Les femmes peuvent ainsi être sous-représentées de plusieurs façons, ce qui exclut leur voix des débats sur les politiques environnementales tout comme dans les secteurs professionnels associés au développement durable. Cela restreint à la fois la variété des points de vue et entrave une réelle transition écologique inclusive et juste en ne tirant pas parti du plein potentiel des compétences et des idées des femmes.
« On veut un safe space pour parler des questions qui nous interpellent. Les femmes ont des approches qui peuvent être différentes. C’est important de leur laisser la place pour s’exprimer et bâtir des projets », affirme Caroline Voyer, directrice générale du Réseau des femmes en environnement. [8]
Et l’intersectionnalité dans tout ça ?
Au Québec, l’analyse de l’intersectionnalité et des changements climatiques met en lumière plusieurs dimensions des disparités dans l’impact des phénomènes climatiques sur les femmes. Les femmes, en raison de leur genre, sont susceptibles de faire face à des conséquences spécifiques découlant des changements climatiques. Lorsqu’on intègre des facteurs intersectionnels tels que la classe sociale, l’origine ethnique et d’autres identités, ces disparités deviennent plus complexes et accentuent les inégalités, de même que les vulnérabilités.
« […] Les inégalités sociales et leurs intersectionnalités agissent comme agents multiplicateurs des effets des changements climatiques sur la santé. » [9]
De plus, les femmes issues de communautés autochtones ou de groupes ethniques spécifiques peuvent être confrontées à des défis uniques liés aux changements climatiques, tels que la perte de territoires traditionnels ou la dégradation de ressources naturelles vitales.
Il est donc crucial de prendre en compte les diverses dimensions de l’identité des femmes au Québec lors de l’élaboration de politiques d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques.
Par exemple, les vagues de chaleur plus fréquentes peuvent affecter la santé des femmes de manière disproportionnée, en particulier celles appartenant à des groupes sociaux défavorisés qui ont un accès potentiellement limité à des logements climatisés ou à des soins de santé.
Les événements météorologiques extrêmes, comme les inondations, peuvent toucher de manière plus sévère les femmes vivant dans des zones à risque, souvent associées à des quartiers à faible revenu.
Initiatives vertes féminines et projets innovants au Québec
Au Québec, des femmes déterminées se démarquent par leurs actions plurielles. Elles contribuent ainsi à un portrait de solidarité et d’entrepreneuriat vers une transition écologique plus inclusive.
Parmi ces initiatives se trouve principalement le Réseau des femmes en environnement. Fusionnant écologie et féminisme, ce collectif mené par plusieurs femmes du milieu écologiste favorise le réseautage, le mentorat et la création d’un écosystème égalitaire dans le domaine environnemental. Il offre par ailleurs une panoplie de formations et d’activités aux organismes et milieux de travail souhaitant adopter des actions plus inclusives, ainsi qu’aux citoyen-ne-s intéressé-e-s à mieux comprendre les enjeux entourant l’égalité des genres et les attitudes à inclure dans notre réflexion collective pour atteindre une transition juste.
Ces efforts convergent avec ceux de la Fédération des Agricultrices du Québec, où les femmes dans l’agriculture peuvent participer au programme Dimension E. Ce dernier accompagne les femmes du milieu agricole et forestier dans leurs démarches entrepreneuriales. L’organisation contribue au façonnement d’un paysage durable, promouvant l’agriculture écologique inclusive et renforçant la sécurité alimentaire.
Par ailleurs, la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones, dirigée par la Dre Suzy Basile, originaire de la communauté Atikamekw de Wemotaci, a pour principale mission de sensibiliser aux enjeux touchant les femmes autochtones notamment en lien avec les changements climatiques. Le laboratoire de recherche vise ainsi à mettre sur pied un réseau de femmes autochtones en environnement, mais aussi à renforcer les capacités des femmes autochtones dans l’étude de leur rapport au territoire.
Finalement l’organisme féministe Relais-femmes incarne une source d’expertise représentative des besoins et enjeux touchant les différents groupes de femmes en faisant le pont entre la collectivité et les chercheur-euse-s. En abordant divers thèmes tels que l’environnement et la santé, l’organisme offre des boîtes à outils, des formations, de même que plusieurs types de publications dans le but d’accompagner et sensibiliser le public aux enjeux propres à la réalité des femmes.
Ce qu’il faut retenir
En somme, le Québec est aujourd’hui confronté à des manifestations de plus en plus marquantes de bouleversements environnementaux, mettant en évidence l’urgence de s’y adapter, mais aussi de les atténuer le plus possible.
Malgré les progrès, l’inégalité des genres persiste dans la société québécoise, avec des disparités salariales, des représentations limitées dans les domaines scientifiques, et une sous-représentation politique.
Les changements climatiques affectent également davantage les femmes, révélant des conséquences spécifiques à leur genre et leur groupe identitaire qui amplifient les inégalités déjà existantes. Les femmes autochtones, les femmes racisées et celles vivant dans des conditions socio-économiques précaires subissent des impacts disproportionnés. Il est impératif de considérer ces dimensions intersectionnelles pour développer des politiques climatiques équitables et inclusives.
« Les organisations féministes prennent la tête de la lutte contre les inégalités et la pauvreté des femmes. Malheureusement, elles tournent à vide, puisqu’elles ne perçoivent que 0,13 pour cent du total de l’aide publique au développement. » [10]
« […] Il faudra valoriser et promouvoir la diversité des emplois et des milieux de travail. La sensibilisation des employés en matière d’équité et d’inclusion des femmes doit se poursuivre », a conclu Madame Dominique Dodier, directrice générale d’EnviroCompétences. [11]
Heureusement, des initiatives et des projets innovants dirigés par des femmes émergent au Québec pour promouvoir une transition écologique inclusive. En 2024, l’Organisation des Nations Unies a choisi comme thème pour la Journée internationale des droits des femmes « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ». Ainsi, l’ONU veut utiliser l’occasion pour mettre l’accent sur les outils et les moyens pour soutenir les agents de changements féministes dans tous les pays. C’est en comprenant la convergence entre l’égalité des genres et la transition écologique que les instances politiques pourront mieux répondre aux besoins spécifiques des femmes, garantissant ainsi une approche plus inclusive et équitable face aux défis climatiques à l’international, comme au Québec.
Journée internationale des droits des femmes
Le Conseil du statut de la femme indique que « La véritable origine du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, serait principalement marquée par deux faits historiques: le Woman’s Day en Amérique et la Journée des femmes en Europe. »
Au Québec, c’est en 1971 avec le mouvement de libération des femmes mené par le Front de libération des femmes que la date du 8 mars est officiellement lancée avec une campagne nationale pour revendiquer l’avortement libre et gratuit.
Ce n’est toutefois qu’en 1977, suite à une résolution des Nations Unies, que la journée du 8 mars sera officiellement inscrite dans le monde comme celle dédiée à la célébration des droits des femmes. [12]
LE THÈME DE LA CAMPAGNE 2024 du Collectif 8 mars : ÇA GRONDE!
« Ça gronde en dedans, ça gronde en dehors, ça gronde partout. Partout, les inégalités. Partout, les violences. Partout, les crises. Crise climatique, crise du logement, crise de nos services publics, crise de confiance en nos systèmes. Nos systèmes défaillants, dépassés, à bout de souffle. Nous aussi, on est à boutte. […] » [13]
Tu veux en savoir plus ?
Clique ci-dessous pour lire notre article de blogue expliquant l‘écoféminisme pour une transition écologique juste et inclusive.
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(1) Saulnier, M.-S., (2023). Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables face aux changements climatiques que les hommes ? Observatoire québécois des Inégalités. Consulté le 20 février 2024
(2) Lévesque, L. (2023), Un écart de 3,25$ l’heure entre les hommes et les femmes. Le Devoir. Consulté le 29 février 2024
(3) Belmir, M. (2023). Les femmes en sciences, pas encore une évidence. Le Devoir. Consulté le 29 février 2024
(4) et (5) Conseil du statut de la femme. (2018). Présence des femmes et des jeunes dans les lieux décisionnels et consultatifs : Compilation 2018. Consulté le 29 février 2024
(6) et (11) EnviroCompétences. (2023.). EnviroCompétences dévoile son étude « Portrait des femmes en environnement ». Consulté le 29 février 2024
(7) Dodier. D., (2023). EnviroCompétences dévoile son étude « Portrait des femmes en environnement ». EnviroCompétences. Consulté le 4 mars 2024
(8) Nantel, M., (2022). Le Réseau des femmes en environnement : un noyau d’expertise et de collaboration. Gazette des femmes. Consulté le 4 mars 2024
(9) Ilardo, L. (2023). Pour une transition juste : tenir compte des inégalités sociales de santé dans l’action climatique. Institut national de santé publique du Québec. Consulté le 4 mars 2024
(10) ONU Femmes. (2023). Journée internationale des femmes 2024 : Investir en faveur des femmes, accélérer le rythme. Consulté le 4 mars 2024
(12) Conseil du statut de la femme. (2022). L’origine VÉRITABLE du 8 mars Journée internationale des droits des femmes. Consulté le 4 mars 2024
(13) Fédération des femmes du Québec. (2024). Journée internationale des droits des femmes. Consulté le 4 mars 2024
Rédaction
Aurélie Léveillé, Chargée de communication
Révision
Gabriel Marquis, Directeur des communications