L’agroforesterie fait partie du large spectre de solutions nature pouvant contribuer à l’adaptation aux changements climatiques en plus de lutter contre la perte de la biodiversité. Ce modèle d’agriculture est pourtant méconnu au Québec, bien qu’il gagne tranquillement en popularité dans plusieurs municipalités et MRC et qu’il fasse l’objet de plus en plus de recherche scientifique.
Voyons donc de quoi il s’agit et quels sont ses avantages.
Qu’est-ce que l’agroforesterie ?
Le terme agroforesterie est de plus en plus présent dans le monde agricole et suscite de l’intérêt dans la population. Ce n’est pas une pratique nouvelle puisqu’elle fait partie des pratiques ancestrales de plusieurs communautés. Cela dit, de plus en plus d’études y sont consacrées.
Mais qu’est-ce que l’agroforesterie, exactement?
Il s’agit d’un système intégré qui repose sur l’association intentionnelle d’arbres ou d’arbustes à des cultures ou à des élevages, et dont l’interaction permet de générer des co-bénéfices.
Plus simplement, l’agroforesterie, c’est l’intégration d’arbres et d’arbustes dans les champs agricoles et près de bâtiments de façon à apporter des bénéfices pour les exploitations agricoles (production des cultures), pour l’environnement (captation de carbone et biodiversité), pour les animaux (confort), ainsi que pour la population (adaptation aux changements climatiques).
Petit avertissement
L’agroforesterie n’est pas la promotion du reboisement intégral et la transformation de terres agricoles en forêt. Il est important de conserver une agriculture dynamique, mais certaines terres dans des milieux écologiques plus fragiles bénéficieraient de pratiques agroforestières; c’est un modèle qui s’adapte à plusieurs types de milieux.
Quels types de systèmes agroforestiers sont possibles au Québec ?
Nous retrouvons principalement 5 types de systèmes d’agroforesterie au Québec. Chacun a des avantages spécifiques pour l’environnement, la lutte et l’adaptation aux changements climatiques, de même que la production agricole.
Les bandes riveraines agroforestières
Il s’agit de l’aménagement d’arbres et d’arbustes, de plantes herbacées, de la berge aux champs.
Avantages spécifiques
Réduction de la température de l’eau par l’ombrage et stabilisation des berges.
Les cultures en boisé
Il s’agit de la culture de plantes sous couvert d’arbres. On parle par exemple de la culture de ginseng dans les érablières, des cultures d’hydraste, de plantes médicinales, d’ail des bois, de champignons, d’if des bois, de sanguinaire du Canada ou d’asaret.
Avantages spécifiques
Diminution de la pression sur la cueillette sauvage et revenu supplémentaire pour les producteurs agricoles.
La haie brise-vent et brise-odeur
L’alignement ou aménagement d’arbres et d’arbustes le long des cultures et des bâtiments d’élevage peut protéger ceux-ci du vent, de même que réduire les nuisances liées aux odeurs.
Avantages spécifiques
Augmentation de rendement dans certains contextes, réduction de la poudrerie sur les routes lorsque les haies sont bien positionnées et réduction des besoins énergétiques pour le chauffage des bâtiments.
Les systèmes agroforestiers intraparcellaires
Planter plusieurs rangées d’arbres disposées à l’intérieur de la parcelle cultivée avec des espacements variables de 40 à 60 mètres est une autre pratique d’agroforesterie réalisable au Québec et comportant plusieurs bénéfices.
Avantages spécifiques
Modification du microclimat pour le rendre plus tempéré, amélioration de la santé des sols et adaptation aux changements climatiques.
Le sylvopastoralisme
Il s’agit du pâturage des animaux en sous-bois ou de l’aménagement d’arbres dans les pâturages.
Des services écosystémiques insoupçonnés
En plus des avantages spécifiques à chaque aménagement agroforestier, il y a plusieurs services écologiques généraux rendus par ce type de pratique agricole.
Par exemple, les systèmes d’agroforesterie permettent de réduire la pollution liée à l’agriculture et aux engrais. En effet, les arbres permettent de capter une grande proportion des lixiviats -c’est-à-dire, les liquides ayant percolé à travers des résidus- provenant des champs agricoles composés d’éléments fertilisants ou de résidus de pesticides.
Sur le plan de la biodiversité, l’introduction d’espèces d’arbres et d’arbustes diversifiées dans les champs agricoles contribue à créer des habitats fauniques pour une multitude d’insectes et d’oiseaux. Il ne faut pas oublier que ces arbres permettent aussi d’améliorer la biodiversité des sols par la microfaune et la flore qui se développe progressivement près des racines: des champignons s’y installent, ainsi que des bactéries et autres petits insectes qui permettent d’améliorer la santé des sols qui sera bénéfique pour la culture principale. De plus, l’agroforesterie peut contribuer aux efforts de connectivité écologique entre les milieux naturels d’intérêt dans le sud du Québec. Elle aide ainsi les espèces à migrer à travers notre territoire agricole. L’agroforesterie est également une solution pour atteindre plusieurs cibles du cadre mondial de la biodiversité de Kunming adopté par les États à Montréal (COP15 sur la biodiversité). On parle notamment de la cible 7 qui vise à réduire de moitié le risque global sur l’environnement découlant de l’utilisataion des pesticides et d’autres produits chimiques, ainsi que la cible 10 qui consiste à veiller à ce que l’agriculture soit gérée de façon durable par l’application des pratiques respectueuses de la biodiversité.
Au plan climatique, lorsque l’agroforesterie est introduite à grande échelle dans une région, elle permet de capter du carbone, d’abaisser la température et de réduire l’assèchement par le vent. Au Québec, cet effet protecteur contre le vent revêt également une dimension sécuritaire : limiter la poudrerie sur les routes en hiver. C’est pourquoi le ministère des Transports et de la mobilité durable du Québec a implanté plusieurs haies en bordure de routes longeant des champs, réduisant ainsi la poudrerie et les risques d’accident.
Par ailleurs, l’agroforesterie est un outil d’adaptation aux changements climatiques pour les producteurs agricoles. Par la réduction de l’érosion éolienne, l’augmentation des réserves en eau dans le sol et la diminution de l’évapotranspiration des plantes, elle permet de réduire les effets délétères des sécheresses sur la production. A contrario, les arbres atténuent aussi les impacts des pluies torrentielles en favorisant l’infiltration de l’eau dans le sol et en stabilisant celui-ci. Enfin, l’amélioration de la santé des sols par le travail des racines et la matière organique apportée par les feuilles est l’une des clés de la résilience aux changements climatiques.
Finalement, un autre avantage à ne pas négliger : l’embellissement du paysage rural qui aide à l’attractivité des municipalités. Pour cette raison, il est important de diversifier les modèles d’agroforesterie pour conserver une diversité du paysage. Il y a donc même un bénéfice du côté du tourisme!
Un exemple d’agroforesterie au Québec
Conclusion
Voilà une foule d’exemples qui démontrent qu’avec l’agroforesterie, tout le monde sort gagnant, de la ferme à la planète. Dans le contexte des crises climatique et de la biodiversité que nous vivons, les pratiques d’agroforesterie mériteraient d’être mieux connues et de faire l’objet d’un développement plus soutenu au Québec. Elles font partie du riche arsenal de solutions nature à notre disposition pour diminuer nos émissions de GES et nous adapter aux conséquences des changements climatiques, avec en prime plusieurs cobénéfices!
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Références
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Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal (2022, 19 décembre), 15e Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (COP15), Montréal, Programme des Nations Unies pour l’environnement, document PDF, https://www.cbd.int/doc/decisions/cop-15/cop-15-dec-04-fr.pdf, 16 p.
Cogliastro, A., A. vézina et D.Rivest. 2022. Guide d’aménagement de systèmes agroforestiers. Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec. 97 p.
Domon G., J. Ruiz., 2014. Agriculture et paysage: aménager autrement les territoires ruraux. Les Presses de l’Université de Montréal. 334 p.
IPBES (2019): Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. E. S. Brondizio, J. Settele, S. Díaz, and H. T. Ngo (editors). IPBES secretariat, Bonn, Germany. 1148 pages.
Martineau, I., Boivin, F., Léger, É., 2014. À chacun sa bande, Guide des bandes riveraines en milieu agricole, Club-conseil Gestrie-Sol, 24 p.
De Baets, S. Gariépy, A. Vézina. 2007. Le portrait de l’agroforesterie au Québec. Gouvernement du Canada. 88 p.
Rédaction
Rachel Charbonneau, chargée de projets Agriculture, Nature Québec
Révision
Diego Creimer, directeur Finance et biodiversité, SNAP Québec
Gabriel Marquis, responsable des communications, Nature Québec
Photographies
Pierre-Luc Laganière, SNAP Québec
(Culture sous boisé, haie brise-vent)