Transition énergétique: et si on parlait de biomasse?
26 février 2020Vous êtes-vous déjà demandé comment le Québec pourrait réduire sa consommation de combustibles fossiles ? Considérant leur impact sur nos émissions de GES et l’ampleur de la crise climatique, il est primordial de trouver des solutions concrètes pour les remplacer par des énergies renouvelables.
Au Québec, le recours à l’hydroélectricité — une énergie peu émettrice — pour la génération de près de 90 % de notre électricité rend le recours à l’électrification très tentant. Cependant, celle-ci a des limites qui rendent nécessaire la recherche d’alternatives pour la production d’énergie dans certains secteurs. Parmi ces alternatives, la biomasse forestière résiduelle a de nombreux avantages, mais demeure relativement méconnue.
Mais avant d’aller plus loin, attardons-nous d’abord à deux limites de l’électrification pour réduire nos émissions de GES : 1) la pointe de consommation et 2) les secteurs difficilement électrifiables.
1. Problème de la pointe de consommation d’électricité
L’utilisation de l’électricité pour le chauffage crée un problème important au Québec : lorsqu’il fait très froid, tous les bâtiments chauffent à plein régime, ce qui entraîne une pointe de consommation. Durant ces pointes, Hydro-Québec n’est plus capable de répondre à la demande et doit importer à prix élevé de l’électricité de ses voisins. De plus, cette électricité peut provenir de sources comme le nucléaire ou le charbon. L’électrification de tous nos besoins en chauffage — domestique, agricole, institutionnel et industriel confondu — ne ferait qu’amplifier cette problématique.
Bien sûr, Hydro-Québec pourrait construire de nouvelles grandes installations de production d’électricité. Cependant, hors des périodes de pointe, ces installations seraient relativement inutiles. Elles rendraient de plus l’unité d’énergie produite très dispendieuse puisqu’elles ne serviraient de prime abord qu’entre 100 et 300 heures par année. En somme, construire de nouveaux barrages reviendrait à payer cher économiquement et écologiquement de l’électricité dont nous n’avons pas peut-être pas besoin. Que faire alors ?
Réduire la pointe de consommation
Une première piste de solution est de mieux utiliser l’électricité déjà produite, notamment en améliorant l’efficacité énergétique et en diminuant la consommation lors des pointes, par de meilleurs comportements. Ces solutions devraient être mises en place dès maintenant. Par contre, puisque la transition énergétique commande la conversion de plus en plus d’usage vers l’électrification (notamment le transport), l’efficacité énergétique ne pourra régler à elle seule le problème.
Une deuxième piste réside dans la production d’énergie à partir de sources renouvelables — mais non électriques — pour certains usages. Cela permettrait de diminuer nos GES, tout en libérant de l’électricité pour des usages comme l’électrification des transports.
2. Les usages non électrifiables
Il existe des usages où l’électrification n’est pas techniquement ou économiquement faisable. Par exemple, les cimenteries demandent une température suffisamment élevée pour faire fondre de la roche (>1400oC). Ce procédé n’est actuellement pas électrifiable et ne le sera probablement pas à moyen terme. De même, le procédé de séchage du grain en agriculture nécessite des températures élevées. La « déshumidification » électrique de grains est techniquement possible, mais demande des installations lourdes et un temps de séchage beaucoup plus élevé.
C’est pourquoi tant pour la production de ciment que le séchage de grains et bien d’autres procédés industriels non électrifiables, on utilise encore majoritairement les énergies fossiles au Québec (propane, gaz, mazout, coke de pétrole). Pourtant, il existe des solutions et la biomasse forestière résiduelle en fait partie.
3. La biomasse forestière résiduelle, c’est quoi ?
L’utilisation de biomasse forestière résiduelle pour le chauffage et les usages industriels consiste à produire de la chaleur avec des résidus de bois par un procédé de combustion optimisé. La biomasse forestière résiduelle se présente généralement sous forme de granules de bois ou encore de plaquettes (c’est-à-dire des copeaux destinés au chauffage).
L’utilisation des bioénergies est reconnue par le GIEC comme ayant un grand potentiel de réduction des émissions de GES, pourvu que la ressource soit exploitée de façon durable et qu’un processus efficace soit utilisé. Certains processus permettent une réduction des GES de l’ordre de 80 à 90 % comparativement aux combustibles fossiles. La raison est fort simple : la biomasse résiduelle contient une quantité de carbone qui sera émise à l’atmosphère lors de la combustion. Cependant, pratiquement la même quantité de carbone aurait été émise par la décomposition naturelle du bois après quelques années. En somme, brûlée ou décomposée, la biomasse émet du carbone, mais dans le premier cas, on peut en tirer de l’énergie qui aurait été autrement produite avec des énergies fossiles. De plus, rappelons que si la forêt est gérée durablement, le CO2 émis sera recapté par les futurs arbres et donc, le cycle pourra recommencer tout en n’augmentant pas la concentration de CO2 dans l’air, à long terme.
L’implantation de la biomasse forestière au Québec permettrait non seulement de diminuer nos GES dans les secteurs agricole, industriel et institutionnel, mais également de consolider les emplois forestiers et la vitalité économique de régions-clés.
Finalement, l’utilisation de biomasse forestière résiduelle a des avantages économiques importants par rapport aux combustibles fossiles, pour ses utilisateurs. En effet, malgré des installations dispendieuses, le coût du combustible est assez bas pour permettre des périodes de retour sur l’investissement rapides. C’est particulièrement vrai pour les bâtiments et processus nécessitant une grande quantité de chaleur, en raison des économies d’échelle.
Et le gaz « naturel » ?
Actuellement, il y a un fort lobby auprès des différents paliers de gouvernement afin de faire du gaz dit « naturel », une énergie de transition. Cet argument justifierait l’extension du réseau de gaz dans plusieurs municipalités et la conversion de plusieurs usages à coup de subventions directes et indirectes. Cependant, il est important de ne pas tomber dans le piège de l’utilisation du gaz pour réduire la pointe de consommation. En effet, le gaz que nous consommons au Québec provient de manière croissante de l’Ouest canadien et est obtenu par un procédé de fracturation hydraulique qui a d’importants impacts humains et environnementaux. Ce gaz demeure un combustible fossile dont l’impact en termes de réchauffement climatique n’est pas à négliger. Ainsi, l’utilisation de gaz ne devrait pas faire partie d’une stratégie de transition, puisqu’il s’agit d’une énergie fossile, dont même les bénéfices climatiques sont remis en doutes. De plus, même s’il peut aider à atteindre les objectifs de réduction de GES à court terme pour le Québec, notamment en remplacement du mazout, le gaz fossile ne permettra pas de faire des réductions significatives pour des objectifs à plus long terme.
En résumé, les systèmes de chauffage au gaz ne sont pas une solution d’avenir et ceux existants devront même être remplacés éventuellement pour atteindre des objectifs de réduction de GES ambitieux. Pourquoi alors ne pas passer immédiatement à un système de chauffage utilisant une technologie existante et écologique ?
4. La solution ? Un cocktail de différentes énergies renouvelables
Bien sûr, la biomasse forestière résiduelle n’est pas une panacée et ne permettra pas à elle seule de réaliser la nécessaire transition énergétique du Québec. Cependant, il existe certaines situations où cette option énergétique devrait être envisagée, car elle possède plusieurs bénéfices, tant d’un point de vue d’émission des GES que d’un point de vue économique. Dans ces situations, il est important d’évaluer l’option biomasse, car l’ignorer revient à faire pencher la balance du côté du statuquo, soit l’utilisation de combustibles fossiles… Et la non-atteinte de nos cibles de GES !
Emmanuelle Rancourt
Chargée de projet Énergie et biomasse
emmanuelle.rancourt@naturequebec.org
418 648-2104
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