Ces derniers jours, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a rendu public le rapport du groupe de travail sur la forêt et les changements climatiques[1]. Ce dernier a été produit en reconnaissant que le secteur forestier peut fournir un ensemble de solutions intéressantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et retirer du carbone de l’atmosphère.
À cet égard, des experts internationaux soutiennent « qu’à long terme, une stratégie de gestion durable des forêts visant à maintenir ou à accroître les stocks de carbone tout en assurant une production annuelle viable de bois, de fibres ou d’énergie forestière, aura les effets les plus sensibles sur l’atténuation du changement climatique »[2].
Le groupe de travail a retenu des scénarios de production accrue visant essentiellement l’augmentation des produits de bois à plus longue durée de vie que ceux des pâtes et papier, le développement de la bioénergie et la substitution par le bois de produits de forte intensité de GES (par ex. acier et béton).
Un scénario visant la conservation des stocks de carbone des écosystèmes forestiers aurait pu être retenu, mais ce ne fut pas le cas. Il s’agit d’une partie importante qui manque pour établir les compromis entre l’augmentation du stock de carbone des écosystèmes forestiers et l’accroissement durable de la récolte forestière pour répondre aux attentes de la société.
La conservation est une dimension non négligeable considérant que le stock de carbone dans les sols forestiers de la zone boréale du Québec se situe à un équivalent de plus de 300 années d’émissions anthropiques actuelles. « Une augmentation des investissements dans la conservation, la réhabilitation et la gestion des tourbières, des forêts et des milieux humides pourrait contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre et éviter qu’ils ne s’échappent dans l’atmosphère »[3]. L’impact des opérations forestières sur les sols, en particulier suite à une coupe totale et au déploiement du réseau routier, est suffisamment documenté pour soulever des inquiétudes.
Pourtant, une évaluation à l’échelle canadienne utilisant le même modèle de bilan carbone que celui du groupe de travail a montré qu’un scénario « couper moins » pouvait être avantageux à court terme[4], probablement plus en incorporant les bénéfices escomptés du maintien de la biodiversité et des services écosystémiques de la forêt. La Colombie-Britannique et l’Ontario ont également retenu ce scénario dans leur analyse.
Les solutions climatiques fondées sur la nature ne manquent pas d’intérêt, que cela soit pour protéger les habitats, améliorer les pratiques forestières ou restaurer la végétation. En réduisant la dégradation et la perte des écosystèmes, ces solutions permettent simultanément de réduire les émissions de GES et d’aider tant les collectivités que les écosystèmes à devenir plus résilients. De plus, comparativement aux solutions technologiques à la crise climatique, les solutions fondées sur la nature sont souvent moins coûteuses, plus durables et offrent de multiples bénéfices environnementaux, sociaux et économiques.
Les potentiels de réduction des émissions de GES incluant des hypothèses de transition industrielle accélérée et une substitution ciblée de produits doivent être pris avec prudence. Il faudra déployer une grande efficacité dans la mise en œuvre dès le court terme (2020) à tous les maillons du cycle de vie du bois et compter sur des conditions de marché favorables pour assurer la faisabilité de la démarche.
Finalement, il serait aussi pertinent de mettre en lumière, dans les scénarios d’analyse, l’impact sur l’émission des GES des opérations forestières, de la transformation du bois et du transport des produits. Il y a malheureusement encore peu d’information disponible sur le sujet.
Clairement, il y a lieu de poursuivre le travail pour éclairer plus judicieusement les décideurs, dans un contexte d’urgence climatique, autant pour intégrer la dimension conservation que pour améliorer et partager les connaissances dans une perspective utilisation-conservation intégrée.
– Gérard Szaraz, ing. f., coresponsable de la commission Forêt à Nature Québec
Sources:
[1] https://mffp.gouv.qc.ca/changements-climatiques-rapport-avancee-2020-02-22/
[2] http://www.fao.org/3/a-i6419f.pdf , p.66.
[3] Smyth, C. E., et al. 2014. Quantifying the biophysical climate change mitigation potential of Canada’s forest sector https://cfs.nrcan.gc.ca/publications?id=35590
[4] http://www.environnement.gouv.qc.ca/changementsclimatiques/Rapport_final.PDF