Protéger les milieux naturels, une solution nature pour le climat
Les milieux naturels sont des alliés précieux dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques ! En effet, les milieux naturels, comme les forêts et les tourbières, contribuent à augmenter notre résilience face aux changements climatiques en captant et stockant le carbone, mais aussi en nous rendant de précieux services comme le contrôle des inondations.
Ainsi, le simple fait de protéger les milieux naturels, qui autrement pourraient être dégradés ou détruits, constitue ce que l’on appelle une solution fondée sur la nature pour le climat. Ensemble, la protection des milieux naturels, la meilleure gestion de nos ressources naturelles et la restauration des écosystèmes dégradés pourraient représenter jusqu’à 37 % des efforts mondiaux de réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES) nécessaires afin de lutter et de s’adapter aux changements climatiques d’ici 2030 (1).
Les défis liés à la protection des milieux naturels
Aussi importantes soient ces solutions, celles-ci ne sont pas simples à mettre en place pour autant !
Pour la protection des milieux naturels, les défis sont multiples et vont largement dépendre de la tenure des terres sur lesquelles ils se trouvent. En d’autres mots, est-ce qu’il s’agit de terres publiques, qui appartiennent au gouvernement du Québec ou du Canada (les terres du domaine de l’État) ? Ou est-ce qu’il s’agit plutôt de terres privées, qui appartiennent, par exemple, à un particulier ou à une municipalité ?
En terres publiques, les défis sont notamment liés à la conciliation des usages du territoire : foresterie, mines, chasse et pêche, activités de plein air, etc. Il importe alors de démontrer l’appétit de la population et la concertation des différent-e-s utilisateurs-trices du territoire pour qu’un projet de protection puisse voir le jour.
En terres privées, l’un des défis est de convaincre le ou la propriétaire de protéger sa propriété. Il est donc essentiel d’établir un lien de confiance avec cette personne, de lui démontrer la valeur écologique de sa propriété et de bien lui expliquer de quelle façon elle peut la protéger, mais aussi quels avantages elle peut en tirer.
Comment protéger les milieux naturels en terres privées ?
D’abord, des règlements municipaux peuvent être adoptés afin de préserver les milieux naturels en terres privées. Par exemple, à travers son règlement de zonage, une municipalité peut définir les usages permis dans une zone, restreindre l’abattage d’arbres, ou encore contrôler l’excavation du sol (2). Cette forme de protection n’est toutefois pas permanente et peut changer selon la volonté des membres du conseil municipal en place.
Ensuite, il existe différentes mesures de conservation volontaire (servitude de conservation, don ou vente de propriété, réserve naturelle, etc.) qui peuvent être envisagées par un-e propriétaire. Celles-ci se distinguent entre autres par l’entente liant la personne propriétaire à celle qui fait l’acquisition, ainsi que les avantages fiscaux dont la personne propriétaire peut bénéficier. Par exemple, un-e propriétaire bénéficiera d’une réduction de taxes pour la création d’une réserve naturelle, tandis qu’une réduction d’impôt s’applique pour un don de sa propriété (3). Un-e propriétaire peut notamment faire don de sa propriété à un organisme de bienfaisance voué à la protection de l’environnement, aux gouvernements fédéraux et provinciaux ou à une municipalité (4).
Les démarches en terres privées peuvent toutefois être longues, en particulier la création d’une réserve naturelle, qui est une désignation d’aire protégée reconnue par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). Il est alors essentiel de bien démontrer au ministère de quelle façon les caractéristiques du milieu naturel justifient d’en assurer la conservation.
Ainsi, un outil qui peut se montrer plus flexible et simple à mettre en place est la fiducie d’utilité sociale.
Pour en savoir plus sur les différents outils de conservation en terres privées, de nombreuses ressources sont à votre disposition ! Parmi elles, nous vous recommandons de consulter la page du Réseau de milieux naturels protégés (RMN) et celle de l’initiative québécoise Corridors écologiques (IQCE).
Une fiducie d’utilité sociale, qu’est-ce que c’est ?
La fiducie d’utilité sociale (FUS) est un outil juridique encore relativement récent, introduit dans le Code civil du Québec en 1994. Plus précisément, la FUS est une propriété sans propriétaire. Plutôt que de bénéficier à une personne ou une organisation, la FUS est un bien affecté à une vocation d’intérêt général. La préservation de l’environnement peut justement être l’une de ces vocations ! Une fois que la fiducie est créée, le bien (p.ex. un milieu naturel) est alors extrait du marché immobilier et sa vocation est scellée à perpétuité (5).
Plus concrètement, la FUS permet d’enregistrer un acte notarié dans lequel un-e propriétaire transfère son bien à une fiducie affectée à une vocation particulière. La fiducie est administrée par un-e fiduciaire ou un groupe de fiduciaires. Les fiduciaires sont les personnes qui prennent les décisions ; il n’y a pas de conseil d’administration, ce qui peut diminuer la lourdeur administrative. La création de la fiducie est officialisée par la rédaction de l’acte constitutif devant un-e notaire. Cet acte définit entre autres le bien, la vocation et les règles de gestion (6). Une fois qu’un milieu naturel entre dans l’acte constitutif, il devient impossible de changer sa vocation, même face à de la pression politique !
Ok, mais est-ce qu’il existe des exemples concrets ?
La Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière (FiCEL) est un exemple particulièrement inspirant ! Sa mission est de protéger, conserver et mettre en valeur des milieux naturels et des paysages de haute valeur écologique dans la région de Lanaudière, au bénéfice des communautés locales et du public en général. Pour accomplir sa mission, la FiCEL mise sur l’altruisme. En ce sens, elle ne fait pas l’acquisition de terrains et accepte uniquement les dons de propriété. Selon son expérience, cette façon de faire mène à une boucle de rétroaction vertueuse : plus il y a de dons faits à la FiCEL, plus il y a de propriétaires qui veulent faire des dons ! C’est ainsi qu’à ce jour, la FiCEL protège 16 sites à travers la région, pour une superficie totale de 418 hectares.
La Fiducie de conservation du patrimoine naturel du Rigaud est un autre bel exemple. Celle-ci a été créée en 2017 par la Ville de Rigaud et la MRC de Vaudreuil-Soulanges. Sa mission est de protéger et de gérer sainement les milieux naturels lui appartenant, et ce à perpétuité. À ce jour, ce sont 12 terrains à valeur écologique élevée que la fiducie a acquis sur le mont Rigaud.
En conclusion
La protection des milieux naturels est essentielle pour lutter et s’adapter aux changements climatiques. Toutefois, la mise en place de cette solution nature est confrontée à plusieurs défis ! Il faut donc faire preuve d’imagination et parfois penser en dehors de la boîte, comme c’est le cas avec la fiducie d’utilité sociale !
C’est aussi en collaborant tou-te-s ensemble que nous réussirons à relever ces défis. Par exemple, les municipalités peuvent contribuer à protéger les milieux naturels en adoptant certaines réglementations, en soutenant les organismes de conservation sur leur territoire, en faisant l’acquisition de terrains ou encore en créant une fiducie de conservation, à l’instar de la Ville de Rigaud.
En tant que citoyen-ne-s, vous pouvez contribuer aussi en faisant don de votre propriété et en parlant de ces différents outils autour de vous, incluant à votre conseil municipal ! En effet, les membres des conseils municipaux ont plusieurs dossiers très variés à gérer et il est possible que ces outils ne leur soient tout simplement pas familiers !
Références
- Drever, C.R., Cook-Patton, S.C., Akhter, F., Badiou, P.H., Chmura, G.L., Davidson, S.J., Desjardins, R.L., Dyk, A., Fargione, J.E., Fellows, M., Filewod, B., Hessing-Lewis, M., Jayasundara, S., Keeton, W.S., Kroeger, T., Lark, T.J., Le, E., Leavitt, S.M., LeClerc, M.-E., Lemprière, T.C., Metsaranta, J., McConkey, B., Neilson, E., Peterson St-Laurent, G., Puric-Mladenovic, D., Rodrigue, S., Soolanayakanahally, R.Y., Spawn, S.A., Strack, M., Smyth, C., Thevatasan, N., Voicu, M., Williams, C.A., Woodbury, P.B., Worth, D.E., Xu, Z., Yeo, S. et Kurz, W.A., 2021. Natural climate solutions for Canada. Science Advances, vol. 7 ; no. 23, 13 pages. DOI : https://doi.org/10.1126/sciadv.abd6034.
- Centre québécois du droit de l’environnement, Le pouvoir des municipalités de réglementer en environnement. Page consultée le 27 juin 2023 : https://www.cqde.org/fr/sinformer-nouvelle/municipalites/le-pouvoir-des-municipalites-de-reglementer-en-environnement/
- Réseau de milieux naturels protégés, La conservation volontaire. Page consultée le 27 juin 2023 : https://rmnat.org/conservation-volontaire/#undefined
- Réseau de milieux naturels protégés, 2020. Boîte à outils conservation – Critères pour devenir un organisme admissible aux dons écologiques. 5 pages
- Territoires innovants en économie sociale et solidaire, S’approprier de nouvelles façons de faire – Fiducie d’utilité sociale. Page consultée le 27 juin 2023 : https://tiess.ca/fiducie-dutilite-sociale-transfert-et-valorisation/.
- Marchand, M., 2019. Les fiducies d’utilité sociale : synthèse de connaissances. Territoires innovants en économie sociale et solidaire. 50 pages.
Rédaction
Marie-Audrey Nadeau Fortin, chargée de projet Conservation et mobilisation, Nature Québec
Révision
Lucie Bedet, chargée des communications, Nature Québec
Diego Creimer, directeur Finance et biodiversité, SNAP Québec
Michel Leboeuf, directeur général, Fiducie de conservation des écosystème de Lanaudière (FiCEL)
Photographie de l’entête
Mélanie Jean