Foire aux questions

Nature de proximité en danger

Nous n’avons pas la prétention que les réponses que nous proposons dans cette foire aux questions s’appliquent à toutes les situations possibles, puisque celles-ci peuvent varier selon les contextes, les périodes, les lieux, etc. Il s’agit néanmoins de grandes tendances que nous avons pu observer selon notre expérience, à travers notre implication dans différentes initiatives citoyennes, partout au Québec, au fil des années.

Comment convaincre un-e propriétaire privé-e (particulier-ère, promoteur-trice, entreprise, etc.) de protéger les milieux naturels situés sur son terrain ?

Vous pouvez sensibiliser le ou la propriétaire aux mesures de conservation volontaire qui existent en terres privées (servitude de conservation, don ou vente de sa propriété, etc.) et lui présenter certains avantages dont il ou elle pourrait bénéficier (p.ex. réduction de taxes ou d’impôts).

Vous pouvez aussi expliquer qu’en adoptant de telles pratiques, il ou elle fera une différence positive dans sa communauté et inspirera d’autres propriétaires à faire la même chose. Si le ou la propriétaire possède plusieurs terrains, ou encore des terrains de grandes superficies, vous pouvez l’inviter à aller visiter les milieux naturels se trouvant sur sa propriété, afin de démontrer leur grande valeur écologique ou sociale, p.ex. s’il s’agit de milieux fréquentés et appréciés de la population.

Pour en savoir plus sur la conservation volontaire en terres privées, vous pouvez demander de l’aide à un organisme de conservation présent dans votre région. Pour connaître les organismes de conservation oeuvrant en terres privées près de chez vous, vous pouvez consulter le répertoire du Réseau de milieux naturels protégés.

Si un projet de développement qui détruira un milieu naturel a déjà obtenu les permis requis de la ville, est-il encore possible de protéger ce milieu naturel ?

Dépendamment de l’endroit où se déroule le projet de développement, il est possible que des autorisations soient requises au niveaux provincial (p.ex. s’il touche des milieux humides et hydriques) ou fédéral (p.ex. s’il touche des habitats du poisson). Vous pouvez donc faire des vérifications à ces niveaux. Si vous constatez qu’un projet ne semble pas conforme aux lois et règlements en vigueur, vous pouvez contacter le service Urgence-Environnement du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), ou encore déposer une plainte à caractère environnemental. Vous pouvez par ailleurs maintenir la pression auprès de votre conseil municipal, en publiant une lettre ouverte, en alertant les médias, en lançant une pétition ou encore en organisant un rassemblement.

En parallèle, vous pouvez évaluer s’il est encore possible de négocier avec le ou la promoteur-trice, afin que le moins de milieux naturels possible soient détruits, et que des mesures d’atténuation et de compensation soient prises. Il importe néanmoins de demeurer lucide; si le projet est autorisé en bonne et due forme, et encore plus si les travaux sont déjà commencés, les chances de réussir votre mobilisation diminuent grandement. D’où l’importance d’agir de façon préventive, en témoignant à votre conseil municipal votre intérêt et votre attachement à un milieu naturel dès que celui-ci est important pour vous, sans attendre qu’il soit menacé.

Notre municipalité a mené une consultation publique, mais j’ai l’impression que l’avis des citoyen-ne-s n’a pas été considéré. Que puis-je faire ?

Si ce n’est pas déjà fait, c’est un bon moment pour réunir d’autres citoyen-ne-s autour de votre préoccupation ! Mobilisez-vous, formez un groupe citoyen, dotez-vous d’un nom, développez votre argumentaire et faites-vous entendre ! Votre groupe est déjà formé et ce n’est pas la première fois que vous avez l’impression de ne pas être écouté ? Organisez une mobilisation d’envergure, comme une grande marche, une manifestation ou une pétition ! Cherchez des allié-e-s auprès d’autres groupes; environnementaux, communautaires, syndicaux, autochtones, étudiants, politiques ! Le fait de croiser les luttes (ce qu’on appelle l’intersectionnalité) vient donner une grande force ! Les outils développés par Nature Québec dans le cadre du projet Nature de proximité en danger, notamment l’arbre décisionnel, le répertoire de ressources et le module interactif, peuvent vous conseiller à chacune de ces étapes et vous aider à trouver les ressources les plus pertinentes !

Ceci étant dit, même si le résultat des consultations publiques peut s’avérer décevant, il s’agit d’un  processus démocratique et il demeure important d’y participer. Si nous n’occupons pas cette place, d’autres groupes d’intérêt le feront à notre place et nos préoccupations ne seront pas entendues. Soyons la voix des milieux naturels !

Comment éviter que la densification des villes se fasse au détriment des milieux naturels qu’on y retrouve ?

C’est une bonne question, car il faut densifier, oui, mais il faut aussi viser à protéger les derniers milieux naturels qui subsistent dans les périmètres urbains, au bénéfice de la santé physique et mentale de la population ! À ce sujet, vous pouvez argumenter auprès de votre conseil municipal qu’il est recommandé que chaque citoyen-ne ait accès à la nature, soit un milieu naturel ou un espace vert d’une taille minimale de 0,5 ha, à moins de 300 m de marche de son domicile.

Par ailleurs, lorsqu’un nouveau projet de développement est envisagé dans votre ville et que celui-ci empiète sur des milieux naturels, vous pouvez demander à votre conseil municipal de démontrer que toutes les alternatives afin d’éviter ou d’atténuer les impacts sur ces milieux ont bel et bien été explorées (p.ex. utilisation d’espaces déjà minéralisés, de bâtiments existants, etc.), puis de vous expliquer pourquoi ces options n’ont pas été retenues. Du côté de la population, il faut aussi demeurer réaliste; bien qu’il soit souhaitable de protéger tous les milieux naturels, il est parfois impossible d’y parvenir, surtout dans un contexte de crise du logement. Enfin, comme notre façon à tou-te-s d’occuper le territoire à des conséquences sur les milieux naturels, il peut être pertinent de sensibiliser ses concitoyen-ne-s au concept de décroissance !

Comment rendre un mouvement citoyen durable et éviter de perdre ses membres ?

Il est important de témoigner de la reconnaissance aux membres de votre groupe, de célébrer les petites victoires et d’éviter de mettre une emphase exagérée sur les aspects négatifs de votre mobilisation. Définir clairement le rôle des membres dès le départ favorise aussi l’engagement. Il faut s’assurer que les tâches attribuées aux membres leur conviennent et que celles-ci sont bien comprises. Pour accroître le sentiment d’appartenance envers le groupe, il est nécessaire d’organiser des rencontres de suivi, mais aussi des moments de simple réseautage et de célébration. Pour éviter l’épuisement des membres et que trop de responsabilités ne pèse sur les épaules des mêmes personnes, il est recommandé de recruter de nouvelles personnes en continu. Votre groupe doit aussi être inclusif et ouvert aux idées des différentes personnes qui le composent, même si ces idées ne vont pas exactement dans le même sens que celles imaginées au départ. Laissez vos membres être créatifs-ives et prendre des initiatives !

Pour plus de conseils, nous vous invitons à consulter notre fiche intitulée « Des relations sociales en santé, le moteur de l’engagement citoyen ».

La pression citoyenne fait-elle vraiment une différence pour convaincre les décideurs-euses ?

Oui ! Les promoteurs-trices veulent l’acceptabilité sociale de leur projet, sinon, cela nuit à leur réputation, il devient plus difficile d’être un bon citoyen corporatif et de s’intégrer harmonieusement dans son milieu. Ensuite, en tant que gouvernement de proximité, les municipalités se doivent d’être à l’écoute des préoccupations de leurs citoyen-ne-s. En ce sens, si aucun-e citoyen-ne n’exprime ses préoccupations, il est difficile, voire impossible, pour les décideurs-deuses de connaître ces préoccupations et de les comprendre. Il faut démontrer aux décideurs-euses qu’il n’est plus possible d’aménager le territoire comme dans les années 60. La destruction des milieux naturels ne peut plus se faire aussi facilement, on ne peut plus ignorer leur importance pour la santé physique et mentale de la population.

Enfin, si la pression citoyenne ne réussit pas à sauver un milieu naturel en particulier, il faut garder en tête qu’elle aura certainement une portée à l’avenir. On peut penser à la mobilisation contre le nickel dans l’air de la Basse-Ville de Québec; ce problème était très peu connu avant que des citoyen-ne-s ne le dénoncent vivement. Si la population se mobilise de plus en plus autour de la protection des milieux naturels, ce sujet peut même devenir une question de l’urne aux prochaines élections !

Comment établir et maintenir un dialogue avec sa municipalité ?

Une première étape pour établir un dialogue avec votre municipalité peut être de participer aux séances de votre conseil municipal. Vous et les autres membres de votre groupe citoyen pouvez en profiter pour poser des questions et émettre vos préoccupations.

Il est important de bien vous préparer au préalable, afin de vous assurer que le message que vous souhaitez transmettre est concis et clair. Si c’est possible, il peut être intéressant d’inviter une variété de personnes à vous appuyer lors des séances et varier vos porte-paroles (p.ex. des hommes, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, des personnes de nationalités différentes ou encore des personnes en situation de handicap), afin de démontrer l’ampleur de votre mobilisation et la diversité des personnes qui vous appuient ! Même si une telle intervention peut être intimidante, elle est à la portée de tou-te-s, faites-vous confiance !

Cela dit, si participer à une telle séance vous intimide, vous pouvez aussi choisir de communiquer avec vos élu-e-s par l’entremise d’une lettre, que vous pouvez faire cosigner par d’autres personnes qui partagent les mêmes préoccupations que vous. Dans votre lettre, vous pouvez en profiter pour demander une rencontre privée, en proposant une date butoir. Vous pourrez ainsi faire un rappel si vous n’obtenez pas de réponse avant cette date.

D’autres options s’offrent aussi à vous : envoyer un courriel à vos élu-e-s, leur téléphoner, vous présenter directement en personne à leur bureau, ou encore les interpeller en les identifiant sur les réseaux sociaux. Dans tous les cas, il importe de rester poli-e-s, sans tomber dans la complaisance. Gardez en tête que tout se dit; tout dépend de la façon dont on le dit ! Assurez-vous de toujours baser vos arguments sur des faits avérés. Évitez les accusations et les attaques personnelles.

N’oubliez pas que les élu-e-s sont eux aussi des humains, qui font bien souvent leurs possibles avec les connaissances et les ressources à leur disposition. Si le lien de confiance se brise, il peut être très difficile de le rétablir par la suite. Ceci nécessitera beaucoup d’efforts, voire une ressource en médiation.

Comment obtenir l’appui d’organisations environnementales ?

Il importe d’abord de se renseigner sur l’organisation que vous voulez contacter, notamment sur sa mission et le type de projets qu’elle mène normalement, afin de vous assurer que cela correspond bien à vos attentes. Il est également intéressant de comprendre l’écosystème des organisations environnementales au Québec (vous pouvez consulter la Figure 2 de notre répertoire à ce sujet, à la page 25). Par exemple, les organismes de conservation qui œuvrent en terres privées n’ont pas comme mission de faire de la pression politique, au risque de perdre leur statut. Il n’est donc pas recommandé de les solliciter pour ce genre de demande. Un autre exemple concerne les organisations environnementales à portée nationale; celles-ci misent souvent sur des enjeux transversaux, car elles n’ont pas les capacités de s’impliquer dans toutes les initiatives locales à travers la province.

À l’échelle locale, le conseil régional de l’environnement est souvent une excellente ressource. Lorsque vous contactez une organisation pour solliciter son appui, une bonne façon de procéder peut être de transmettre un document (maximum 2 pages) qui résume votre initiative. Vous devez exposer clairement votre demande et vos besoins, en évitant toutefois les courriels trop longs. À la place, vous pouvez proposer une rencontre à l’organisation si vous souhaitez transmettre davantage de détails ! Dans tous les cas, soyez respectueux-ses et faites preuve d’initiative ! Par exemple, si votre besoin est une lettre d’appui de la part de l’organisation, vous pouvez d’emblée lui en proposer un modèle !

Comment protéger un milieu naturel dont la valeur écologique est jugée faible ?

Traditionnellement, dans le milieu de la conservation, on cherche à protéger des milieux de haute valeur écologique, puisqu’il est impossible, du moins très difficile, de protéger la totalité des milieux naturels. Cela dit, on reconnaît de plus en plus l’importance de se reconnecter avec la nature, en raison notamment de ses bienfaits pour notre santé physique et mentale (encouragement à la pratique d’activités physiques, réduction du stress, des risques de maladies cardiovasculaires, etc.). Ainsi, même si la valeur écologique d’un milieu naturel n’est pas particulièrement élevée, si sa valeur sociale, elle, est importante (p.ex. en raison de sa proximité avec la population ou de sa localisation dans un endroit où les espaces verts se font plus rares), il peut s’agir d’un argument très important pour convaincre vos élu-e-s de le protéger !

En effet, c’est le rôle des élu-e-s que de se soucier de la santé et du bien-être de la population. Vous pouvez aussi argumenter sur les services écologiques rendus par les milieux naturels, comme la filtration de l’eau et de l’air, ou encore le contrôle des inondations. Comprendre que la destruction des milieux naturels, qui rendent ces services gratuitement, peuvent entraîner des dépenses publiques importantes peut s’avérer bien convaincant-e-s pour certain-e-s décideurs-euses ! Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que la nature n’a pas qu’une valeur monétaire, elle est aussi importante pour elle-même; c’est ce qu’on appelle sa valeur intrinsèque.

Enfin, depuis la COP15 qui s’est déroulée à Montréal en décembre 2022, plusieurs villes dans le monde se sont engagées à restaurer des milieux naturels dégradés (p.ex. l’Engagement de Montréal). Il s’agit donc d’un autre argument à explorer auprès de votre municipalité ! Il existe même des programmes de financement spécialement dédiés à la restauration.

Où trouver les ressources financières pour acquérir un milieu naturel afin de le protéger ?

Vous pouvez récolter les fonds nécessaires à l’acquisition d’un milieu naturel, ou contribuer à amasser ceux-ci, de plusieurs façons, faites preuve d’imagination ! Vous pouvez organiser une levée de fonds, en ligne avec une plateforme de sociofinancement (Zeffy, GoFundMe, La Ruche, etc.), faire du porte-à-porte, ou encore organiser des activités de type « souper spaghetti ». Vous pouvez solliciter des commandites pour vous aider à organiser des activités, comme une épicerie, une pépinière, ou même des artistes locaux pour offrir des cadeaux afin de remercier vos donateurs-trices.

Vous pouvez aussi chercher des bailleurs de fonds (p.ex. la Fondation de la Faune du Québec, le Fonds d’héritage pour l’environnement), bien que cette recherche soit facilitée si votre groupe citoyen est constitué légalement. Cela dit, il ne suffit pas de faire l’acquisition d’un milieu naturel, il faut aussi en assurer l’entretien et faire des suivis afin d’en évaluer l’état. Par exemple, un achalandage trop important peut causer des dommages au milieu naturel; il faut en prendre connaissance et mettre en place des correctifs le cas échéant. Ainsi, pour s’assurer que le milieu naturel soit protégé adéquatement à perpétuité, il peut être préférable de collaborer avec un organisme de conservation existant (voir le répertoire du Réseau des milieux naturels protégés), ou encore de créer votre propre organisme de conservation.

Dans tous les cas, sachez que bien qu’il s’agisse d’une initiative d’envergure, il est possible d’y parvenir, d’autres groupes citoyens y sont parvenus !

En quoi les médias peuvent-ils nous aider à protéger un milieu naturel ?

Les médias sont des alliés précieux pour votre initiative. Ils peuvent contribuer à amplifier grandement sa portée, en la faisant connaître à un public plus large que vous ne pourriez atteindre par les réseaux sociaux seulement ! Les médias locaux risquent de s’intéresser davantage aux initiatives locales, certes, mais il ne faut pas non plus négliger l’intérêt de certains médias nationaux aux questions environnementales, même si elles sont a priori de portée locale.

Pour éviter les malentendus et les déceptions lors de vos échanges avec les médias, il importe de bien se préparer, d’identifier clairement un-e ou des porte-paroles, ainsi que vos principaux messages clés. Vous pourrez vous référer à plusieurs reprises à ces messages clés lors de vos entrevues. Ces messages doivent être très clairs, concis et accrocheurs, de façon à éviter d’aller dans tous les sens et de semer de la confusion. Nous vous conseillons par ailleurs de faire une revue de presse afin de savoir quels médias parlent de vous. Google Alertes, par exemple, vous fera parvenir, à la fréquence que vous souhaitez, les articles qui reprennent des mots clés qui vous intéressent, comme le nom de votre groupe citoyen.