COP29 : Les grands enjeux
14 novembre 2024Cette semaine a débuté la vingt-neuvième conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29) à Bakou en Azerbaïdjan.
Alors que l’année dernière, à la COP28, les pays se sont enfin entendus sur le nécessité de s’éloigner des énergies fossiles « de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 », les enjeux principaux à suivre cette année sont ceux sur le financement, le niveau d’ambition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux changements climatiques. Or, il va s’agir de négociations particulièrement ardues dans un contexte géopolitique très difficile où on assiste à une multiplication des conflits et à l’arrivée au pouvoir de gouvernements ultra conservateurs, voire même d’extrême droite dans plusieurs pays, prônant un recul dans l’action climatique, comme avec le retour de Donald Trump aux États-Unis.
La COP de la finance
Si la COP29 est qualifiée de COP de la finance, c’est parce que l’enjeu principal de cette année porte sur le financement climatique. Plus exactement, les pays doivent déterminer un nouvel objectif de financement à la fois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais également pour protéger les populations face aux effets de plus en plus néfastes des changements climatiques.
La question du financement est une des clefs de la justice climatique. En effet, selon le principe de la responsabilité commune mais différenciée, les pays développés responsables de la crise climatique doivent en faire davantage – ce qu’on nomme la juste part – et aider les pays en développement, qui eux, en subissent les impacts. Or, cette aide passe en grande partie par le financement. L’argent doit ainsi servir à mettre en œuvre la transition énergétique, à développer les différentes technologies comme les énergies renouvelables et à implanter les mesures d’adaptation.
L’ancien objectif était de 100 milliards de dollars par an. Déjà considérée comme une somme très insuffisante par rapport aux besoins réels pour mettre en œuvre la décarbonation des différentes économies mondiales, sa concrétisation est en plus arrivée avec deux ans de retard, soit en 2022 au lieu de 2020, accentuant par le fait même la méfiance des pays en développement envers les pays développés. Or, aujourd’hui, on parle d’un montant qui multiplierait par dix l’ancien objectif, soit 1000 milliards de dollars par an selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Au-delà du montant, les pays sont divisés aussi sur la qualité de l’argent. Les pays en développement réclament à juste titre que les montants soient versés sous forme de dons ou encore de subventions publiques, mais veulent absolument éviter les prêts qui ne feraient qu’alourdir leurs dettes envers les pays du Nord et perpétuent un système profondément injuste. Il y a également des discussions sur la place du secteur privé dans ce financement.
Les discussions tournent également autour de l’élargissement de la liste des contributeurs, plusieurs pays dont le Canada arguant que l’économie mondiale a bien changé depuis qu’elle a été établie et que certains pays pourraient contribuer davantage.
Enfin, faut-il inclure ou pas les montants liés aux pertes et dommages dans le nouvel objectif est l’autre grande question à laquelle se heurte les négociations autour du nouvel objectif de financement.
Si le financement est une question aussi cruciale pour les négociations cette année, c’est parce qu’il est directement lié au niveau d’ambition des engagements de réduction des émissions de GES des pays pour garder l’objectif de 1,5°C de réchauffement d’ici 2100 à portée de main. En gros, sans argent, difficile de s’engager dans des actions à la hauteur alors que les pays doivent soumettre leurs nouvelles cibles de réduction de GES pour 2035 aussi appelées Contributions Déterminées au niveau National (CND) au début de l’année 2025 ainsi que les Plans nationaux d’adaptation (PNA).
L’ambition sera-t-elle au rendez-vous?
En ce début de COP29, l’Organisation météorologique mondiale nous alerte :
« L’année 2024 est en passe de devenir l’année la plus chaude jamais observée […] La perte de glace des glaciers, l’élévation du niveau de la mer et le réchauffement des océans s’accélèrent. Les conditions météorologiques extrêmes font des ravages dans les collectivités et les économies du monde entier. »
Pourtant, en même temps, le rapport 2024 du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) révèle que la mise en œuvre des seules politiques actuelles des pays entraînerait un réchauffement pouvant atteindre 3,1°C. Nous sommes donc loin du niveau d’ambition nécessaire pour arrêter l’escalade. C’est pourquoi, selon les mécanismes de l’Accord de Paris, les pays doivent régulièrement hausser leur niveau d’ambition, notamment en révisant leurs cibles de réduction de GES. La COP29 représente donc un moment charnière en ce sens. Certains pays ont d’ailleurs saisi ce momentum pour annoncer déjà leur nouvelle cible, affichant ainsi un certain leadership. C’est notamment le cas du Royaume-Uni qui se donne un nouvel objectif de réduction de 81% d’ici 2035 par rapport au niveau de 1990, et l’Union européenne qui envisage une réduction de 90% d’ici 2040 par rapport à 1990. En ce qui concerne le Canada et le Québec, les nouvelles cibles n’arriveront pas avant 2025.
Aussi, face à un objectif de 1,5°C de réchauffement qui semble de plus en plus inatteignable, de nombreux pays appellent à l’abandonner. Garder cet objectif en vie est donc également un enjeu critique de ces négociations. Par exemple, pour les petits pays insulaires, la différence entre le 1,5°C et le 2°C signifie leur disparition de la surface du globe, rien de moins.
L’adaptation aux changements climatiques
L’écart entre les réductions des émissions de GES nécessaires et les actions réelles grandissant, les besoins en adaptation aux changements climatiques augmentent. C’est pourquoi les progrès du processus des Plans Nationaux d’Adaptation (PNA) et l’Objectif Mondial d’Adaptation (OMA) sont à l’agenda de cette COP29. À ce jour, seulement 59 pays sur 193 ont soumis un PNA depuis 2018 et les défis sont nombreux alors qu’on accuse beaucoup de retard dans le renforcement des capacités ou encore le transfert des technologies. Et là aussi, le financement est l’éléphant dans la pièce.
Selon le dernier Rapport sur l’Écart d’Adaptation 2024, le financement public international de l’adaptation en 2022 s’élevait à seulement 27,5 milliards de dollars, alors que les besoins sont évalués entre 215 à 387 milliards de dollars par an. La promesse de doubler le financement de l’adaptation d’ici 2025 reste aussi largement non tenue, ce qui aggrave la frustration des pays en développement.
En bref, alors que les catastrophes liées aux changements climatiques se multiplient et que leurs impacts se font de plus en plus ressentir, les besoins en adaptation sont criants. Mais là aussi, on n’avance pas assez vite pour protéger les populations, particulièrement les plus vulnérables. La COP29 sera-t-elle celle où on assistera à un réveil collectif à ce sujet?
Conclusion
Les attentes de Nature Québec envers le Canada et le Québec
En tant qu’organisme œuvrant sur le lien entre crise climatique et crise de la perte de la biodiversité, Nature Québec suit les négociations de la COP29 avec en tête le rôle que doit jouer la nature dans le rehaussement de l’ambition climatique ainsi que dans l’adaptation.
Par exemple, l’année dernière à Dubaï, le Canada a été une voix forte pour soutenir l’inclusion de la reconnaissance des cibles de l’Accord Kunming-Montréal issu de la COP15 sur la biodiversité dans le texte du bilan mondial qui a constitué la décision finale de la COP28. Nous nous attendons à ce que cette année encore le Canada soit porteur d’ambitions fortes quant à ce sujet. Par exemple, il devrait soutenir l’intégration du suivi des émissions provenant des écosystèmes naturels dans les inventaires GES des pays ainsi que leur prise en compte dans les futures cibles climatiques. Le rôle de la nature dans les Plans Nationaux d’Adaptation doit également être mis de l’avant par le Canada aux tables de négociation, soutenu à ce sujet, par le Québec dans les conversations que celui-ci peut avoir avec d’autres États infranationaux.
Quant au financement, nous nous attendons à ce que le Canada facilite les négociations entre les pays développés et en développement sur le nouvel objectif quantifié collectif pour que celui-ci reflète adéquatement les besoins de ces derniers tout en appelant également à un renforcement du financement pour l’adaptation. Et concernant le Québec, celui-ci a historiquement été un des États infranationaux participant le plus aux différents fonds mis en place. Nous nous attendons à ce que cela continue, notamment à travers une contribution significative pour le fonds des pertes et dommages.
Rédaction
Anne-Céline Guyon, Analyste Climat et énergie
Révision
Gabriel Marquis, Directeur des communications et de l’engagement