Bilan de la COP16 – Quel futur pour la biodiversité?

5 novembre 2024

La COP16 sur la biodiversité (16e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies) s’est terminée à Cali ce samedi, aux petites heures du matin.

Alors qu’en 2022, la COP15 à Montréal avait permis de répondre à la question « Quoi faire pour arrêter et inverser le déclin de la biodiversité d’ici 2030 ? », la question sur laquelle se penchaient les pays lors de la COP16 était « Comment y parvenir ? ».

Plus spécifiquement, la COP16 devait permettre de faire progresser la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, notamment en discutant des moyens financiers et des mécanismes de suivi qui lui sont associés.

Est-ce que la COP16 s’est révélée à la hauteur du défi et de l’urgence de la situation ? Nous vous présentons 6 faits saillants qui ont particulièrement retenu notre attention !

1. Victoire pour les peuples autochtones et les communautés afrodescendantes

Au terme de la COP16, les pays ont adopté la mise en place d’un groupe de travail permanent (ou « organe subsidiaire », en langage onusien), afin d’assurer la représentation des peuples autochtones et des communautés locales au sein de la convention des Nations unies sur la diversité biologique.

Cette décision reconnaît le rôle de gardiens de la nature des peuples autochtones, contribue à protéger leurs systèmes de connaissances traditionnelles, et vient donner du poids à leurs voix lors des négociations. Elle permet aussi de concentrer les efforts sur les questions qui les concernent au sein d’une même entité, accélérant ainsi l’avancement de ces dossiers.

Les communautés afrodescendantes sont aussi, pour la première fois, nommées dans le texte de la Convention, reconnaissant ainsi leur rôle important dans la conservation de la biodiversité. Ceci devrait permettre à ces communautés d’avoir accès plus facilement au financement et de se faire entendre davantage lors des prochaines COP sur la biodiversité.

C’est une grande victoire pour la Colombie, qui voulait que la COP16 soit la « COP des gens », et qui avait fait de ces enjeux une priorité.

2. Une meilleure protection des océans

Après 8 ans de travail, les Parties de la Convention se sont enfin entendues sur la définition et les modalités permettant d’identifier et de cartographier les zones marines de grande importance écologique. Ainsi, grâce à un mécanisme scientifique, plutôt que géopolitique, il sera désormais plus facile de protéger ces zones dans les eaux internationales, sans affecter le droit et les compétences des différents pays.

3. Le partage équitable des avantages tirés des ressources génétiques

Les informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques (de l’acronyme DSI en anglais, pour Digital sequence information), souvent issues d’espèces végétales et animales présentes dans les pays en développement, sont utilisées dans la fabrication de médicaments et de produits cosmétiques, entre autres, et peuvent rapporter des milliards de dollars aux grandes entreprises. Toutefois, peu de bénéfices tirés de ces données génétiques reviennent aux communautés d’origine.

Samedi, après plusieurs heures de négociations, le Fonds Cali a été instauré. Sans être contraignant, le texte entourant celui-ci stipule que les entreprises qui font usage de ces données génétiques doivent partager leurs profits de façon juste et équitable. Un montant indicatif de 0,1% des revenus ou de 1% des bénéfices est suggéré. Placé sous la responsabilité des Nations Unies, la moitié de l’argent récolté devrait servir à soutenir les besoins établis par les peuples autochtones et les communautés locales hébergeant ces espèces. L’efficacité du Fonds Cali reste toutefois incertaine, faute d’obligations claires.

4. Pas d’entente sur le financement

À travers le Cadre mondial de la biodiversité, les pays se sont engagés à porter, d’ici 2030, à 200 milliards de dollars par an les dépenses en faveur de la biodiversité, dont 30 milliards par an d’aide des pays riches vers les pays en développement.

La manière de mobiliser cet argent et de la distribuer a toutefois été le principal point d’achoppement de la COP16. D’un côté, les pays en développement demandent la création d’un nouveau fonds, car ils jugent que les fonds existants sont inéquitables et trop difficiles d’accès. De l’autre côté, les pays riches jugent contre-productive la multiplication des fonds, et considèrent que le Fonds mondial pour l’environnement, sous lequel se trouve le Fonds-cadre de la biodiversité, est efficace.

Après 12 jours, ni les pays riches, ni les pays en développement, n’ont fait de pas l’un vers l’autre. Les négociations ont dû être suspendues samedi matin, après que la présidence colombienne ait constaté avoir perdu le quorum de l’assemblée, les délégué-e-s étant parti-e-s se coucher ou attraper leur avion.

La clôture officielle des travaux de la COP16 est donc reportée à une date ultérieure. Ce signal négatif aura certainement des répercussions sur les autres négociations environnementales à venir, dont la COP29 sur le climat qui débutera le 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan. Cette fois, des montants dix fois plus élevés seront en jeu.

5. Report des discussions sur le mécanisme de suivi 

Selon le décompte officiel, vendredi, seulement 44 des 196 pays de la Convention ont présenté une stratégie nationale, plus ou moins à la hauteur, permettant de préciser comment le Cadre mondial de la biodiversité sera mis en œuvre sur leur territoire. 119 pays ont quant à eux soumis des engagements nationaux pour une ou plusieurs cibles du Cadre mondial.

Plus inquiétant encore, les pays ont échoué, pendant la COP16, à établir des indicateurs fiables permettant de vérifier l’efficacité des actions mises en place.

La COP17, qui aura lieu en Arménie en 2026, doit évaluer l’état d’avancement de l’atteinte des cibles du Cadre mondial à mi-parcours, et renforcer les efforts au besoin. Il sera donc primordial que les discussions se poursuivent entre les deux COP (dans ce qu’on appelle des « intersessions »). Sans indicateurs, il sera impossible de mesurer ces progrès adéquatement.

6. Retombées au Québec

Malgré que la COP16 soit un événement international, il faut reconnaître que le Québec a su rayonner et faire preuve de leadership.

D’abord, même si le Québec n’en avait pas l’obligation, il a été parmi les premiers États infranationaux à présenter une stratégie nationale, le Plan Nature. Il est aussi le premier État fédéré au monde à avoir contribué au Fonds-cadre de la biodiversité, à hauteur de 2 millions de dollars. L’objectif de ce fonds est d’appuyer la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité auprès des pays en développement.

On retrouvait également sur le site de la COP la Place Québec. Cet espace avait pour but d’encourager la participation active de la société civile, du secteur privé et de la finance, des peuples autochtones, des communautés locales et des gouvernements infranationaux, favorisant ainsi les collaborations futures. De plus, le 25 octobre était la Journée du Québec. Celle-ci a permis de faire rayonner des initiatives québécoises, comme la création d’indicateurs de biodiversité développés pour les investisseurs.

La COP16 a même été l’occasion de faire connaître des initiatives locales. Par exemple, l’Abitibi-Témiscamingue était sur place afin de présenter son pôle d’innovation en tourisme régénératif !

Conclusion

En somme, la COP16 sur la biodiversité aura permis certaines avancées au niveau des droits humains, mais il y a de quoi s’inquiéter quant au succès du Cadre mondial d’ici 2030, sans financement, ni mécanisme clair de suivi à moins de six ans du but.

Doit-on considérer que la COP16 est un échec pour autant ? Non, même si on espérait davantage. La COP16 a permis de motiver d’autres actions, comme le lancement d’une Coalition mondiale pour la paix avec la nature, à laquelle le Canada a adhéré. Un momentum se dessine également afin de mieux lier la gouvernance du climat à celle de la biodiversité, de façon à mettre en place des politiques cohérentes et intégrées. Enfin, la COP16 a aussi stimulé des discussions visant à reconnaître les autres valeurs, pas seulement instrumentales, de la nature.

Même si les COP constituent des moments charnières, où les décisions sont prises, le travail se poursuit entre les COP afin d’influencer les décideurs-euses. D’ici la prochaine COP sur la biodiversité, il faudra convaincre le Québec et le Canada d’accélérer le pas pour protéger 30 % du territoire, de gérer adéquatement le 70 % du territoire restant et de reconnaître pleinement leur responsabilité dans la crise de la biodiversité. Il faudra aussi demeurer attentifs-ves aux fausses solutions proposées, et militer plutôt pour des changements transformateurs, essentiels pour vivre un jour en harmonie avec la nature.

Rédaction

Marie-Audrey Nadeau, Analyste Biodiversité

Révision

Chloé Allard, Chargée des communications Biodiversité

Gabriel Marquis, Directeur des communications et de l’engagement