2020, une année cruciale pour la biodiversité

24 janvier 2020

La biodiversité est en déclin. Impossible de le nier, les chiffres sont clairs et la communauté scientifique est unanime ; la biodiversité est plus que jamais menacée. En 2010, la communauté internationale s’était pourtant fixé des objectifs de protection et de conservation de la biodiversité afin de freiner la dégradation des écosystèmes.

 

La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a rendu public en mai dernier un document concernant le déclin de la biodiversité.

 

Ce groupe d’expert-es international- un peu l’équivalent du GIEC pour la biodiversité – y affirme qu’un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction. Du jamais vu.

Il est impératif de prendre conscience que nous sommes en train de nous nuire. Comme le clame le président de l’IPBES, Robert Watson : « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».

 

Au-delà d’une prise de conscience collective, nous devons agir immédiatement contre la perte de biodiversité. Lutter contre cette perte implique nécessairement de protéger les milieux naturels qui sont les habitats de nombreuses espèces, dont l’homme, ne faut-il pas l’oublier.

 

Les aires protégées, un retour dans le temps

 

Au Sommet de la Terre de Rio en 1992, l’idée selon laquelle l’humain et la nature sont intrinsèquement liés fait son chemin.

 

Un constat est clair : il faut protéger la biodiversité en raison de sa valeur indéniable au point de vue environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique. Est ainsi née la Convention sur la diversité biologique (CDB), le seul accord international complet sur la biodiversité.

 

 En 2010, la CDB se réunit à Nagoya, au Japon. En résulte le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, incluant les objectifs d’Aichi pour la biodiversité. La communauté internationale s’engage donc à mettre en œuvre des mesures concrètes pour protéger et conserver la biodiversité d’ici la fin de 2020.

 

Un des objectifs d’Aichi le plus connu est probablement l’objectif 11 :

 

D’ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation effectives par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin.

 

Les aires protégées permettent notamment de préserver le fonctionnement des écosystèmes, les processus écologiques et offrent un refuge aux espèces menacées. Leur présence partout dans le monde est essentielle.

 

Une course contre la montre à laquelle se joint le Québec

 

Suite à la Conférence des Parties de la CDB à Nagoya, le Québec emboîte le pas et crée une stratégie en matière d’aires protégées qui reprend l’objectif 11 d’Aichi, c’est-à-dire la conservation de 17% du territoire terrestre et aquatique, et 10% du territoire marin d’ici décembre 2020.

 

Or, au 31 mars 2019, le registre des aires protégées du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) indique que nous en sommes à 10,68 % de zones terrestres et aquatiques, et à 1,35 % de zones marines protégées.

 

Si près de l’échéance, nous sommes donc encore bien loin de respecter nos engagements. Le gouvernement du Québec semble enfin vouloir s’activer afin d’atteindre les cibles internationales. À cet égard, il a déposé en novembre 2019 le projet de loi 46 visant la modernisation de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel (loi des aires protégées), afin d’accélérer la création d’aires protégées.

 

Néanmoins, malgré le manque à gagner d’ici la fin de 2020 et la volonté qui semble animer le MELCC quant à l’atteinte des cibles, des zones qui ont été désignées il y a de cela plusieurs années comme potentielles aires protégées ne bénéficient toujours pas d’un statut de conservation permanent. Qu’attend le MELCC pour passer à la vitesse supérieure et transformer ces aires protégées projetées en vraies aires protégées permanentes?

 

Au niveau de l’atteinte globale des objectifs d’Aichi, on peut également questionner le niveau d’ambition du Québec qui s’est doté de cibles de 17 % et de 10 % dans un territoire aussi peu densément peuplé et relativement peu aménagé que le nôtre. Bref, nous pouvions en faire plus.

 

Et après 2020?

 

La prochaine Conférence des Parties de la CDB aura lieu en octobre prochain en Chine et se penchera sur les objectifs à atteindre post-2020. Déjà, l’objectif de conservation suggéré par la CDB est de protéger 30% du territoire terrestre et marin d’ici 2030. Elle s’appuie sur le fameux rapport que l’IPBES a publié en mai 2019 pour faire cette recommandation aux pays signataires.

 

À Nature Québec, nous espérons que le Québec se dotera du même objectif de conservation que ce que la CDB recommande. Nous travaillerons avec le gouvernement pour l’aider à  mettre en place les mécanismes qui lui permettront non seulement d’atteindre ses objectifs de conservation d’ici décembre, mais également de réussir à protéger 30% de son territoire d’ici 10 ans.

 

Par ailleurs, nous demanderons que le réseau d’aires protégées mis en place dans les prochaines années soit géré efficacement et équitablement, et que les zones dotées d’un statut de conservation soient représentatives de la diversité des écosystèmes qui composent le Québec.

 

Il ne faudrait pas rater la réelle cible qui est de préserver la biodiversité partout au Québec….Et dans le monde!

 

Emmanuelle Vallières-Léveillé, chargée de projet aires protégées et biodiversité à Nature Québec